Aujourd’hui, je vous présente Miss Fantasmes de la mangaka Yukino Seo. Sortie le 17 novembre, l’œuvre appartient à la collection Red Light de Pika Edition. Préparez-vous donc à rougir devant les pensées sulfureuses de Jun.
Jun est une fille de 21 ans attachante et séduisante. Problème : c’est la seule à ne pas être au courant ! Et contrairement aux apparences, elle n’a aucune expérience avec les hommes ! Cerise sur le gâteau : Jun a tendance à se réfugier dans d’enivrant fantasmes, au grand dam de sa sœur aînée qui la pousse à vivre pleinement ses désirs/ Et si Kanô, le client sexy rencontré dans son magasin, était celui qui allait permettre à Jun de goûter au plaisir d’être aimée ?
Scénario : 13/20
Prépubliée sous le titre Môsô Shôjo dans le magazine numérique Love Jossie édité par Hakusensha, Miss Fantasmes compte actuellement 3 tomes au Japon.
Une œuvre intrigante
J’ai tout de suite été attirée par le synopsis. L’histoire avait l’air intéressante et proposait de reprendre les codes des fantasmes les plus populaires dans les mangas et de s’en amuser.
Dès les premières pages, Jun est présentée comme un contrepied aux stéréotypes de la « pétasse » avec « décolleté plongeant, mini-jupe, cheveux clairs et ondulés, manucure et maquillage ultra-provocants ». Jusque-là, je me suis dit que ce manga adoptait un angle intéressant pour tourner en dérision de nombreux stéréotypes. En effet, les apparences sont bel et bien trompeuses car Jun ne colle en rien à son look et n’a aucune expérience en amour. A 21 ans, la jeune femme est toujours vierge et obsédée par de nombreux fantasmes à la moindre vue d’un homme. Elle est présentée en total décalage avec les autres personnages. C’est une jeune fille « bizarre », « flippante » et même une « vierge dérangée » obsédée par le sexe. Passé le fait que montrer du doigt sa virginité alors qu’elle n’a que 21 ans m’a dérangé, l’histoire pouvait sembler drôle à première vue.
Pensé pour un lectorat japonais, le manga reprend plusieurs fantasmes récurrents du genre comme celui de l’écolière ou sado-maso. Le problème est que dans le tome 1, les fantasmes sont quasiment toujours les mêmes et utilisent principalement le schéma du « kabedon » – fait de plaquer une femme contre un mur – considéré comme romantique et surutilisé dans les mangas.
Des fantasmes dérangeants
Jusque-là rien de bien anormal, me direz-vous. Cependant, les fantasmes se rapprochent dangereusement de l’agression sexuelle. De plus, ils présentent le viol comme quelque chose de glamour. Inutile de dire que l’œuvre balaye complètement la question du consentement.
Le côté malsain des fantasmes est trop souvent atténué par le ressort comique de l’œuvre qui pointe du doigt la bizarrerie de la jeune fille comme pour excuser l’aspect dérangeant de certaines scènes. Pire encore, bien que l’auteure cherche à tourner ces fantasmes en dérision, celui de l’écolière m’a définitivement sorti du récit. Bien que présenté comme un livre pour les « shôjo addict », certaines scènes se rapprochent légèrement du hentai. Une œuvre à ne pas mettre entre toutes les mains.
Ainsi, le scénario est intéressant mais tombe souvent dans la simplicité, le cliché, et la prévisibilité. Plusieurs scènes font toutefois sourire et restent plaisantes à lire. Malgré la limite trop souvent dépassée en termes de fantasmes, la lecture reste un moment de détente assez plaisant.
Personnages : 13/20
La majorité des scènes se passent dans l’immeuble de Kanô, Jun et sa grande-sœur. L’intrigue tourne essentiellement autour de Kanô et Jun. Aucun autre personnage n’entre en jeu. L’univers de l’œuvre semble toutefois s’élargir à la fin du premier tome.
Le ressort comique du duo des sœurs fonctionne plutôt bien tout en devenant assez vite répétitif. La sœur est intéressante. C’est la figure du lecteur qui peut voir les pensées de Jun comme « bizarres ».
Quant à Kanô, on ne sait pratiquement rien de lui, mis à part que c’est un homme beau et gentil. On reste sur notre faim face à une intrigue qui évolue lentement et n’en dévoile pas suffisamment. En bref, des personnages qui manquent de profondeur et dont on attend beaucoup par la suite.
Dessin : 16/20
Heureusement, les dessins rendent la lecture très agréable. Avec un style propre au shôjo, l’auteure joue avec des ambiances différentes en fonction des scènes quotidiennes, des fantasmes et des passages comiques. Le chara design rend bien même si on regrette le manque de contraste entre les personnages. Les décors sont simples voire inexistants. Leur absence n’est pas dérangeante pour l’intrigue. Toutefois, j’aurais préféré un univers plus présent pour mieux entrer dans le récit. L’utilisation des trames vient contrebalancer l’absence des décors et donne une jolie cohérence à l’ensemble.
L’auteure entremêle les rêves fantasmés et la réalité, ce que j’ai trouvé très intéressant. Vendu dans la collection des shôjo, plusieurs scènes de fantasmes frôlent le hentai ce qui peut être assez déroutant quand on ne s’y attend pas.
En résumé
Miss Fantasmes est un manga drôle et rafraichissant qui prend une tournure dérangeante en présentant des fantasmes qui entretiennent la culture du viol. Cependant, je reste persuadée que les prochains tomes peuvent prendre une tournure inattendue et approcher de manière plus intelligente l’idée de départ – qui n’est pas mauvaise en soi.
Reste à savoir quelle tournure va prendre l’intrigue. Jun restera-t-elle enfermée dans ses fantasmes imaginaires ? Commencera-t-elle enfin à les assouvir avec son voisin Kanô dans un remake du célèbre 50 nuances de Grey ?
Une œuvre maladroite donc, mais pas encore destinée à la poubelle. Seul le tome 2, prévu en France pour le 16 février 2022, nous le dira.
Note globale : 14/20
En attendant de vous procurer le tome 1 en librairie, un extrait gratuit est disponible sur le site de Pika Edition.
Avis de Ludwig :
Je ne vais pas mentir en disant que j’ai passé un moment assez sympathique dans cette lecture. Ensuite, il est vrai que comme l’a dit Emma ci-dessus, les fantasmes de Jun peuvent être déroutants. Au début c’est drôle, puis à force, on commence à se poser de sérieuses questions. Les fantasmes occidentaux et asiatiques étant diamétralement opposés, certaines lectrices (ou même lecteurs) peuvent ne pas être à l’aise.
Cependant je vous rassure, le tout reste assez « soft » et on sent que Yukino Seo s’éclate pas mal dans ces retranscriptions des idéaux sexuels de son héroïnes. Surtout que c’est très bien dessiné avec un trait léger et des trames bien appliquées. Le tout étant saupoudré d’énormément d’humour (normal hein) et la grande soeur qui aborde notre point de vue.
Le mystère est pour le coup entier sur le personnage de Kanô, c’est celui qui m’a le plus intrigué. Il a l’air d’avoir assez vite compris que notre héroïne n’a aucune expérience, mais justement, compte t-il la manipuler ou au contraire l’aider dans ce sens ? Futur amant ou antagoniste de l’oeuvre ? Le tome 2 devrait nous en dire davantage assez vite.