Pour ce nouvel article, voici mon avis sur la dernière oeuvre de Toshiya Higashimoto (Le Bateau de Thésée): Les Enfants d’Hippocrate !
Les Enfants d’Hippocrate: le fruit du Platane
Après vous voir donné mon avis sur Rooster Fighter – Coq de Baston, je vous parle d’un autre titre des éditions Mangetsu: Les Enfants d’Hippocrate. Cette fois, ce titre s’inscrit dans la collection Mangetsu Life de l’éditeur, il s’agit seinen.
Bien plus qu’un pédiatre : une ligne de vie qui arrache les enfants à la maladie.
Le dévouement des professionnels de la santé est-il perçu à sa juste valeur ? Rien n’est moins sûr… Dans une société qui pousse à la rentabilité de la pratique médicale, on ne demande plus aux pédiatres d’aimer les enfants, mais de fournir un service. Et certains parents japonais se comportent en véritables monstres surprotecteurs, exigeant un accès immédiat et illimité aux soins pour leur progéniture. Le mot d’ordre : tout, tout de suite !
Mais il en faut plus pour décourager Maco Suzukake, un jeune praticien en devenir, qui croit en son métier dur comme fer et s’occupe de ses petits patients avec respect, enthousiasme et bonne humeur. Son humanisme lui permettra-t-il d’accomplir les miracles dont ces enfants ont tant besoin ?
Encore une fois, l’éditeur propose une édition de qualité. Le papier est assez épais et les couvertures sont vraiment belles. Je noterai également la présence de bonus discrets sous les jaquettes:
Et avant de commencer… Un grand merci à Mangetsu pour l’envoi de ces deux tomes et du kit presse associé: il était vraiment original ! Il contenait un stylo-pilule, un stéthoscope, une boîte de pansement, et un dossier de presse sous forme d’ordonnance.
La médecine, une science humaine..!
Dans Les Enfants d’Hippocrate, on suit le quotidien du jeune pédiatre youtubeur Maco Suzukake. Au cours des deux premiers tomes, on suit plusieurs cas médicaux de pédiatrie. Des affections courantes (syndrome du tourniquet), mais aussi des maladies rares (invagination intestinale). À travers cette multitude de cas, on sent leur base scientifique, les conseils du docteur Hiramoto, le chef du service pédiatrie de l’hôpital de Matsudo); j’ai trouvé cela intéressant à suivre. Et pour être franc, j’ai eu l’impression de retrouver des séries comme Dr. House ou Good Doctor.
Les cas s’enchaînent, mais de manière trop déconnectée à mon sens. Il n’y a jamais de réel lien entre eux. Si bien que les raccourcis du scénario sont trop évidents, comme souvent dans ce genre de récit: Maco est toujours là où il faut, quand il le faut. Cela fait beaucoup de coïncidence.
Par ailleurs, il n’y a pas de réel fil rouge au début de l’histoire. Fort heureusement, Toshiya Higashimoto propose plusieurs mystères qui confèrent à cette tranche de vie (slice-of-life) une seconde lecture. En plus de son quotidien professionnel, on découvre la vie personnelle de Maco. Il semblerait donc que l’intrigue générale vienne de la vie privée, en particulier des rapports familiaux de notre médecin fantasque. J’ai hâte d’en découvrir plus !
Scénario: 3/5
Visuellement, Les Enfants d’Hippocrate ne propose pas grand chose d’exceptionnel. Le trait est simple et épuré, peut-être un peu trop parfois d’ailleurs. À plusieurs reprises j’ai eu une impression de vide, une conséquence d’arrières plans trop uniformes, standards. Les designs des personnages ne sont pas non plus très originaux; mais on peut le pardonner compte tenu du fait que c’est une oeuvre réaliste.
Néanmoins, je dois souligner le travail de l’auteur sur la mise en scène; c’était génial. Les phases où Maco associe les symptômes dans son esprit m’ont beaucoup plu. Encore un point qui m’a rappelé des séries télévisées comme Good Doctor. Mais cela ne serait pas aussi marquant si le lettrage n’était pas adapté… Alors un grand bravo à Elsa Pecqueur pour son travail!
Mais au delà de la technique « pure » de dessin, Toshiya Higashimoto nous propose des compositions très poétiques, qui mettent l’accent sur l’intensité émotionnelle des scènes, en particulier sur ses doubles pages. L’auteur fait preuve d’un talent certain pour transmettre des ressentis, et cela passe en partie par sa capacité à dessiner des expressions faciales crédibles.
Visuels: 3/5
L’une des grandes forces des Enfants d’Hippocrate, ce sont à mon sens ses personnages. Maco Suzukake est un protagoniste que j’ai trouvé captivant. Il est construit sur un contraste, entre son air ingénu et ses talents exceptionnels de médecin. Un contraste qui le met en valeur, qui le fait rayonner dans l’oeuvre.
J’ai adoré son empathie, sa capacité à comprendre les enfants, et surtout son don d’observation. C’est un personnage que j’ai trouvé très complet; et également complexe. Si tout semble lui sourire (exception faite de sa carrière de youtubeur), on sent une réelle faille dans le personnage. Et c’est sur cette faille qu’à décidé de travailler l’auteur. Notamment en faisant revenir le père de notre pédiatre.
Goro Suzukake était un médecin aux moeurs particulières, pour lui, la médecine était une entreprise et se devait donc d’être rentable. C’est ce qui l’avait éloigné de ses deux fils. Mais désormais, il est de retour, et cherche à se repentir. Là encore, c’est un personnage complexe qui nous est proposé. Et l’évolution de la relation père-fils est très intéressante à suivre.
Bien évidemment, les autres personnages primordiaux sont les patients. Étant donné qu’ils ne sont que de passage, leur construction est moins poussée que celle de Maco ou de Goro. Néanmoins, ils n’en restent pas moins attachants et très humains. Pour ma part, j’ai beaucoup aimé Tomorin, et ce qu’elle apportait à Maco. J’espère qu’elle continuera à contribuer à son développement.
Personnages: 5/5
Les thématiques des Enfants d’Hippocrate sont un autre point qui permet au manga de se démarquer. Les titres sur la médecine ne sont déjà pas très nombreux, bien que certains soient reconnus (Black Jack, Give my Regards to Black Jack, Monster). Mais si, en plus, c’est un service un peu marginal qui est présenté, ce sont forcément des thématiques intéressantes qui sont traitées. Ça aurait pu être la pharmacie comme dans Unsung Cinderella, mais c’est bien la pédiatrie qu’a choisi Toshiya Higashimoto.
Au travers de son oeuvre, il dépeint avec beaucoup de justesse le quotidien d’un service de pédiatrie. Il est évidemment question de la prise en charge des enfants. On ne peut qu’être touché par la pureté de ces derniers, et par leur courage. L’accent est mis sur la compréhension et l’écoute de ces derniers; sur l’humanité et l’empathie nécessaire pour travailler dans ce milieu.
Mais il est aussi question de la prise en charge des parents, et plus généralement des adultes. L’auteur aborde l’auto-médication, mais surtout le fléau Docteur Google; ou encore la culpabilité d’un parent n’ayant pas vu que son enfant était malade ou se sentant responsable de la maladie de l’enfant. Autant de problématiques très pertinentes que nous présente l’oeuvre.
Thèmes: 5/5
Les Enfants d’Hippocrate, en résumé :
Avec ses deux premiers tomes, les Enfants d’Hippocrate pose des bases solides. On suit le quotidien d’un pédiatre un peu farfelu nommé Maco Suzukake. Et bien qu’étant extravagant, il reste un excellent médecin qui traite tout un tas de cas. Et si on peut reprocher les coïncidences et les raccourcis du scénario, on est frappé par le réalisme de ce qui nous est présenté (on sent l’influence des conseils du docteur Ryugo Hiramoto).
Du point de vue technique, le dessin n’a rien d’exceptionnel, en revanche il est un excellent vecteur d’émotions. Avec des double-pages magnifiques et des expressions crédibles, l’auteur parvient à nous haper dans les différentes histoires et à nous toucher profondément. Mention spéciale aux phases « intérieures » de Maco où le lettrage d’Elsa Pecqueur apporte un vrai plus visuel.
Le manga met en scène des personnages très complet, et complexe. Maco en tête. Il est un vrai rayon de soleil, mais comme tous, il cache des failles douloureuses. J’ai pris beaucoup de plaisir à le découvrir et à le suivre. Les autres personnages ne sont pas en reste, et j’avoue avoir été frappé par leur humanité. Les récits des différents patients, tous des enfants, sont vraiment poignants.
Tout un tas de thématiques sont abordées, l’automédication (et le docteur Google), la prise en charge des enfants, celle des parents, la relation parent/enfant, et bien d’autres. L’auteur les traite avec justesse et beaucoup d’intelligence.
En conclusion, Les Enfants d’Hippocrate est une lecture que j’ai beaucoup apprécié, et dont j’attends impatiemment la suite car je ne doute pas qu’elle sera encore meilleure !