Bientôt une semaine que la célèbre poupée rose de Mattel fait le tour de la France. A coups de campagnes marketing bien ficelées, Barbie a rapidement pris le contrôle de l’Hexagone. La surprise semble être totale. Barbie pourrait bien être LE film de l’année 2023.
Mais derrière son vernis marketing impeccable, se cache-t-il réellement un chef d’œuvre ? Ou plutôt un pur produit de consommation, poudré et teinté d’un rose poupée ?
Barbie : de la poupée à la star du grand écran
Aux premières annonces de l’adaptation live de la poupée (voir notre article ici), le public semblait perplexe. Après tout, qui avait envie de voir Barbie prendre vie ? Les adaptations en film d’animation nous avaient tous convaincus : laisser Barbie dans les chambres des enfants était la meilleure chose à faire.
Pourtant, la forte dose de campagnes publicitaires bariolées a fait mouche et fini par titiller la curiosité des plus réfractaires. À quelques jours de la sortie, le film était devenu l’un des blockbusters les plus attendus de l’année.
Aux commandes : Greta Gerwig. Actrice et réalisatrice, elle a prouvé qu’elle était capable de réinterpréter les codes des genres cinématographiques – du film pour ado et des adaptations des grands classiques – aux travers des célèbres Lady Bird (2017) et Les Filles du docteur March (2019).
Loin d’être à son coup d’essai donc, elle ne s’était pourtant jamais attaqué à un si gros morceau de pop culture. Alors rapidement elle plante le décor. Barbie sera tout ce qu’elle veut : libre, indépendante et surtout féministe.
Un univers de cinéma rempli de références
La promesse est lancée. Le public est curieux. Direction le cinéma.
Le film s’ouvre au milieu du désert dans un remake époustouflant de 2001, l’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968). Ça y est, les poupons sont morts, vive les Barbie.
Le spectateur entre dans Barbie Land. La superbe mise en place du film permet de découvrir un univers rempli d’Easter Eggs pour les fans de la poupée mais aussi les novices qui sauront reconnaître les références – tant ils ont été matraqués par les publicités et autres produits Mattel depuis leur enfance. Tasse de lait vide, douche sans eau, miroir sans glace, autocollants dans le frigo, pieds cambrés : aucun détail absurde n’échappe à l’œil de Greta Gerwig. Et déjà les souvenirs d’enfance refont surface.
Après avoir salué ses nombreuses voisines Barbie – toutes des références aux anciennes collections Mattel – Barbie est prête pour la plage, le soleil, les soirées dans sa villa. Elle vit dans un monde idyllique, parfait, à son image. Ici, pas question d’être le faire-valoir de son homme, Barbie est reine des lieux, ou plutôt présidente, avocate, médecin, astronaute… Car elle peut tout faire.
Mais dans ce décor fait de plastique, l’urbanisme emprunté aux films de Tim Burton et au Truman Show rappelle le spectateur à l’ordre. Sous le vernis se cache une réalité toute autre. Barbie commence à ressentir de l’anxiété, a des pensées morbides, son monde se dérègle, ses pieds s’aplatissent, pire encore, elle a de la cellulite.
Alors Barbie, qu’est-ce que ça fait d’être une vraie femme ?
Direction le vrai monde
Pointée du doigt par les autres Barbie, Barbie stéréotypée (interprétée par la sublime Margot Robbie), doit se rendre chez Barbie bizarre – déréglée – qui vit isolée dans une maison aux abords de la ville (et oui, les Barbie aussi sont des pestes). Barbie va rapidement devoir se confronter au vrai monde, accompagnée de son célèbre acolyte Ken.
La trame scénaristique est classique, voire décevante. Un personnage voit son quotidien bouleversé et part seul dans une quête pour trouver ce qui lui permettra de rééquilibrer son monde. Toute la forme du film est finalement mise au service du fond et des messages que cherche à faire passer Greta Gerwig.
Cette opposition et comparaison entre les deux mondes permet à la réalisatrice de jouer intelligemment avec l’image de Barbie et ce qu’elle représente dans notre société. Tantôt femme indépendante et ambitieuse aux multiples talents, tantôt bimbo écervelée aux courbes irréalistes, Barbie est la première à se confronter à son soi et à l’image qu’elle renvoie. Avec Ariana Greenblatt (dans le rôle de Sasha), la belle poupée en prend pour son grade et découvre qu’elle n’est pas un message d’espoir pour les petites filles du monde entier – bien au contraire.
A travers les yeux de Barbie, ce n’est plus la poupée qui nous préoccupe mais notre propre monde. Certes, les critiques paraissent évidentes : nous vivons dans une société patriarcale où le pouvoir est détenu par les hommes. Mais Greta Gerwig et Noah Baumbach ne cherchent pas des solutions. Il fait simplement bon de rappeler parfois les évidences et de pointer du doigt l’absurdité de notre réalité.
Voyage au pays des Barbie
Le film n’en reste pas moins drôle, intelligent, et rempli de bonnes idées.
Avec ses airs de comédie musicale, il met en scène un casting sur mesure avec des acteurs talentueux mis en valeur par des costumes, décors, coiffures et maquillage impeccables. Tout est pensé dans les moindres détails. Le casting est diversifié avec des acteurs de toutes origines et quelques Barbie avec des rondeurs.
On déplore toutefois la quasi-absence de ces personnages à l’écran. Mais on apprécie la mise en valeur inattendue de certains, et surtout de Ken qui se détache de Barbie dans la seconde partie du film.
Le duo Robbie-Gosling est d’ailleurs la réussite incontestée du film. Ryan Gosling est inattendu et surprenant. Il tient tout le ressort comique du scénario, face à une Margot Robbie étonnamment dramatique. Ken crée la surprise. Il met en scène une parodie de la masculinité toxique, à laquelle nous ne sommes que trop habitués.
A eux deux, ils représentent les deux clichés de l’homme et de la femme et tentent de dépasser leur propre condition. Greta Gerwig joue avec ces clichés en rendant les actions et propos dramatiquement ridicules, et pourtant pas si éloignés de la réalité…
Barbie : nouvelle icône féministe ?
« Ne mord pas la main qui te nourrit » ne pourrait que trop résumer ce film. Si Greta Gerwig tente de nous faire croire qu’elle critique Mattel, il n’en est rien. La timide critique de l’entreprise est bien évidemment mise au service d’une société capitaliste consumériste – qui a évidemment eu besoin de l’accord de Mattel pour que le film voit le jour.
Si l’arrivée des dirigeants de Mattel dans le vrai monde faisait sourire au départ. La critique n’est que trop partielle – et bien entendu un outil marketing – et ils deviennent rapidement anecdotiques. Mattel se voit écarté du scénario et ses sbires disparaissent une bonne partie du film. Rapidement un autre méchant prend le dessus : le vilain patriarcat.
Mais cette fable féministe contre le patriarcat reste, elle aussi, bien mignonette. Certains personnages féminins qui auraient pu alimenter la quête initiatique de Barbie sont relayés au second plan. C’est le cas, par exemple, de la jeune Sasha qui n’a que très peu de lignes de texte. Quelques bonnes idées sont lâchées en cours de route pour devenir une critique simple et parodique du patriarcat et de ses travers – toutefois drôle et efficace.
L’image irrévérencieuse et réjouissante de cette Barbie moderne du début n’en reste pas moins un produit financé par Mattel Films. Mis au service d’un capitalisme débridé par une campagne marketing XXL, il rapportera sans aucun doute énormément d’argent.
Note : 17/20
Malgré une rhétorique simpliste sur la condition féminine qui rappelle gentiment que le patriarcat et la masculinité toxique, c’est mal – et mis à part le côté marketing et financier évident -, Greta Gerwig nous offre un bijou visuel bariolé de rose terriblement efficace qui vous fera passer un moment drôle et agréable pour vous évader du quotidien le temps d’une séance de cinéma.
Ce conte philosophique comique et satirique ne sera clairement pas le remède à vos problèmes de femmes ou d’hommes. Mais il rappelle et pointe du doigt des problèmes évidents de notre quotidien. Et on l’en remercie. Après tout, l’essentiel est de rappeler à nos filles qu’elles peuvent aspirer à être ce qu’elles veulent.
Barbie est en salles depuis le 19 juillet.
Sources images : Warner Bros