En grand amateur de récits psychologiques, j’étais curieux de découvrir ce nouveau titre. Voici donc mon avis sur le tome 1 de Boy’s Abyss !
Avant de débuter la lecture de cet article, petit avertissement:
Boy’s Abyss est un manga seinen visant un public averti, ayant plus de 16 ans !
Il y est question de suicide, de dépression et la nudité et des actes sexuels sont mis en scène.
Boy’s Abyss, tome 1
Les éditions Kana ont décidé d’ajouter Boy’s Abyss (Shonen no Abyss en VO) à leur collection Big Kana. Et de la même manière qu’Adabana, l’oeuvre bénéficie d’un grand format (A5 : 14 x 21). Cela nous permet d’apprécier pleinement les planches de l’autrice. L’impression est de qualité, même si je trouve le papier un peu fin.
La couverture, reprise de l’édition originale, attire vraiment le regard. J’apprécie particulièrement l’effort qui a été fait pour intégrer le logo titre sans gâcher l’illustration.
Dans une ville où il ne se passe jamais rien, où chaque jour se ressemble, Reiji Kurose se contente du vide qui caractérise son existence. Tout le condamne à rester dans la même ville : sa famille, ses perspectives d’avenir, ses amis d’enfance….
Jusqu’à sa rencontre avec une idole, il était persuadé que sa vie continuerait ainsi, sans résistance et sans réel pouvoir sur son avenir.
Vivre peut-il lui apporter l’espoir ? Se dirige-t-il vers la lumière ? Ou vers les ténèbres ?
Plongeon dans les tréfonds de la psychologie humaine !
Boy’s Abyss, c’est l’histoire de Reiji Kurose. Il mène une existence insipide, emplie de banalités dans une ville morne. Alors qu’il pourrait entrer à la fac et prétendre à une vie plus épanouie, ce dernier souhaite rester et s’orienter vers le monde du travail. Cela cache en fait une situation familiale complexe. Un père absent, une grand-mère à charge et un frère qui reste enfermé dans chambre, c’est beaucoup pour la mère de Reiji, qui souffre en plus de dépression, alors ce dernier souhaite alléger ce poids.
Ryo Minenami campe ainsi une histoire rude, avec un protagoniste désabusé par la pression familiale et s’étant résigné à accepter son sort. Il subsiste pourtant une lueur d’espoir, avec la pétillante Tchako. Amie d’enfance de Ryo, elle lui apporte de quoi égayer son quotidien, et notamment la musique du groupe d’idol Acrylic, porté par Nagi Aoe. La rencontre entre Reiji et Nagi Aoe constitue l’élément déclencheur du récit… Pour le meilleur, ou pour le pire ? Je vous laisse le découvrir.
C’est une histoire qui nous prend aux tripes, à fleur de peau. On s’apprête à assister à une descente aux Enfers. Et, si l’autrice reste encore très énigmatique quant à l’intrigue, il y a tout de même cette curiosité, un peu malsaine, de voir comment cela se évoluera. De nombreuses questions restent en suspens. (Une envie rehaussée par le fait que le titre compte déjà 10 tomes au Japon!)
Histoire : 4/5
C’est donc une ambiance très pesante et oppressante que l’on découvre dans ce premier tome de Boy’s Abyss. Le poids de la fatalité est si étouffant que la lecture peut s’avérer éprouvante. Mais Ryo Minenami ne s’arrête pas là et dresse un tableau des plus sombres.
Elle introduit une légende, celle de l’Abîme des amoureux. Présenté comme un lieu touristique, cet endroit serait en fait le lieu du suicide de deux amoureux. La seule « attraction » de la ville est donc… Un endroit mortifère. Je ne sais pas si c’était un trait d’humour noir, une petite pique acerbe à l’égard du tourisme macabre, mais c’était bien pensé. Comme un leitmotiv, il sera plusieurs fois question de l’Abîme des amoureux. L’aura de ce lieu se renforcera avec la mention d’un livre inspiré de ce drame, puis de son auteur… Ce qui n’était qu’un sujet trivial, prend finalement de plus en plus de place : N’est-ce finalement pas un triste fait réel…?
Au delà de ça, l’autrice met en scène des personnages en souffrance, aux faiblesses évidentes, et d’autres qui en abusent. Il est question de manipulation, de chantage, de suicide et de violences psychologiques. Assurément, c’est un titre à ne pas mettre entre toutes les mains. J’insiste. Mais pour le public averti, il vous sera difficile de résister au magnétisme teinté de malaise de l’oeuvre.
Ambiance : 5/5
Ainsi, Boy’s Abyss aborde des thématiques sensibles, et notamment les conséquences de la pression sociale. D’une part, avec Reiji, l’autrice met en scène le tiraillement d’un adolescent, qui a dû trancher entre ses ambitions et le devoir familial. Et comme si cela n’était déjà par assez accablant, elle y ajoute une relation ambigüe, proche du harcèlement, avec Gen Minegishi, un autre « ami d’enfance » de notre protagoniste.
D’autre part, avec Nagi Aoe, elle aborde les exigences de de la société dans le contexte si particulier de la célébrité. Bien que vue par un nouveau prisme, les conséquences de cette oppression restent atroces. La gestion succès, dans sa fugacité, s’accompagne d’un sentiment de solitude et d’idées noires. Il est difficile de rester de marbre face à tant de souffrances. En réunissant ces deux personnages, aux tristes points communs, Ryo Minenami esquisse les débuts d’une relation des plus singulières.
Dans ce type de situation, les sentiments sont à double tranchant: soit ils sont salvateurs et permettent aux deux de se transcender, soit ils sont toxiques et enfoncent les deux dans des ténèbres plus noires encore. Et, avec ce que l’on a déjà pu découvrir, on ne peut qu’être inquiet pour notre désormais binôme. Au travers de ces deux portraits, et de cette relation, transparaît finalement une critique cinglante de la société.
Thématiques : 4/5
Visuellement, Boy’s Abyss est très convaincant. Dans un tel récit, il est important que le dessin transmette les émotions des personnages, et je dois dire que le trait de Ryo Minenami le permet. Les designs sont d’une finesse remarquable, particulièrement dans le cas de Nagi Aoe où son apparence même traduit son inaccessibilité. Cependant, c’est le travail sur les expressions faciales qui saute aux yeux. J’avoue avoir été bluffé par certains regards mélancoliques, paradoxalement vides et plein de sens.
Mais si l’on s’intéresse plus en détail aux planches de l’autrice, on peut constater que les ressentis nous viennent également du découpage. La monotonie du quotidien de Reiji est très bien retranscrite par les mises en scènes choisies. Plusieurs pages m’ont marqué par leur mise en scène aussi puissante qu’évocatrice.
En ce qui concerne les décors, l’autrice utilise parfois des photographies traitées de manière à ce qu’elles semblent dessinées; mais elle nous gratifie également d’arrières plans personnels. Ces derniers s’effaçant au profit des personnages lorsqu’il s’agit de faire passer une émotion.
Et si le récit est crû par ses rebondissements et par ses thématiques, il l’est aussi par ses dessins ! En effet, Ryo Minenami, par souci de réalisme je pense, n’hésite pas à représenter la nudité ou les actes sexuels. Ainsi, même si ce n’est pas déplacé dans le contexte, cela confirme que ce titre s’adresse à un public averti.
Visuels : 4/5
Boy’s Abyss, tome 1, en résumé !
« L’abîme des amoureux », rendu célèbre par un roman à succès, ce lieu est pourtant celui du suicide d’un couple d’amoureux…
C’est avec cette légende que débute Boy’s Abyss. D’après Reiji, c’est le seul intérêt de la ville dans laquelle il réside. Pourtant, il ne peut se résoudre a la quitter. En cause, sa situation familiale. Père absent, frère hikkikomori et grand-mère sénile, Reiji estime que c’est trop lourd à porter pour sa mère et consent à sacrifier sa vie et son avenir pour la soulager.
Il mène ainsi un quotidien morne, ponctué par des interactions avec ses amis d’enfance. Le tyrannique Gen le considère comme un larbin et l’exploite, tandis que la pétillante Tchako, lui apporte un peu de gaieté. Une vie difficile, mais que Reiji s’est résigné à accepter.
Tout bascule lorsqu’il rencontre Nagi Aoe, idol du groupe Acrylic qu’ils admirent, lui et Tchako. En faisant connaissance avec elle, il découvre que cette dernière souffre de sa condition de star.
Une relation étrange et unique va alors naître entre les deux personnages… Parviendront-ils à se transcender et à s’affranchir des pressions sociales qu’ils subissent ? Ou sombreront-ils dans les ténèbres les plus profondes qui soient… Le pire est à prévoir !
Le trait de Ryo Minenami accompagne à merveille l’histoire qu’elle nous raconte. Le travail sur les expressions est soigné et et transmets à merveille les émotions et ressentis !
Avec ses thématiques rudes, Boy’s Abyss est une lecture aussi éprouvante que captivante… Je suis très curieux de voir où nous emmènera l’autrice !