Après Butterfly Beast, Mangetsu nous a proposé sa suite, sobrement baptisée Butterfly Beast II. Après une première partie plus que réussie, Yuka Nagate a t-elle réussi à réitérer l’exploit ?
Il y a quelques mois, nous découvrions Butterfly Beast de Yuka Nagate. Le manga, publié par Mangetsu en septembre 2021, a globalement reçu un accueil très favorable en France. La plupart des critiques, notamment chez Gaak, ont été particulièrement élogieuses. Il faut dire qu’entre le dessin raffiné et l’intrigue très prenante, l’œuvre de Yuka Nagate, à qui nous devons également Gift +/- et le dessin d’Hokuto no Ken : La Légende de Toki, a tout d’un joyau. La partie II de Butterfly Beast semble d’ailleurs suivre le même chemin.
Nouvelle partie, mais dessin toujours au top
Si on passe de Butterfly Beast à Butterfly Beast II, une chose ne change assurément pas, et il s’agit du dessin. Dans cette deuxième partie, on retrouve l’élégance et le raffinement du dessin de Yuka Nagate. Comme dans la première partie, la douceur du dessin s’oppose directement à la violence de l’intrigue, qui met en scène sexe, combat, trahison et autres vices humains. Ceci-dit, le trait de Yuka Nagate semble un peu plus mélancolique dans cette suite, notamment au niveau des expressions des visages. On ne peut que saluer la prouesse de Yuka Nagate, qui, parvient avec son seul dessin à changer le ton de son manga. Bien sûr, c’est quelque chose que beaucoup de mangaka savent faire. Mais le faire si bien et aussi radicalement, c’est à souligner. Là où Butterfly Beast était « épique », Butterfly Beast II semble plus tragique, plus dur.
Une histoire plus large
L’histoire, c’était aussi un point fort de Butterfly Beast. En mêlant l’histoire du Japon à beaucoup d’action, le titre abordait très intelligemment le thème des ninjas, en s’éloignant des représentations habituelles que nous avons d’eux. Ici fini les guerriers, toujours nobles, droits et fidèles à leurs supérieurs et place à des shinobis divisés, entre ceux qui ont choisi la criminalité et ceux qui ont choisi de chasser leurs confrères, qui se sont éloignés du « droit chemin ».
Mais dans Butterfly Beast II, cette intrigue prend une envergure plus large. En effet, Ochô et ses compagnons sont missionnés pour mettre fin à la mouvance chrétienne, introduite au Japon au XVIe siècle mais très mal vu par le shogunat. Une mission inattendue pour Ochô, qui fera face aux démons de son passé lors de cette mission et à de nouveaux ennemis. Sans entrer dans le spoil, ces derniers, même s’ils manquent de profondeur, sont un peu décevants. La menace presque apocalyptique qu’ils sont censés représenter est presque trop facilement maitrisée.
On sent que Yuka Nagate a eu du mal à retranscrire au mieux ce conflit entre les chrétiens et le shogunat. Il faut dire qu’au Japon, les écrits sur ce conflit sont rares et il est probable que Yuka Nagate a dû faire appel à son imagination. Cela donne naissance à quelques facilités scénaristiques, et on sent que le sujet aurait pu être encore plus approfondi. En revanche, si on n’a pas eu droit à un développement profond des antagonistes, c’est bien le cas pour Ochô.
Une héroïne pas si parfaite
On la pensait froide et impitoyable, même si ça pouvait parfois la tourmenter. Mais la Ochô de la première partie semble avoir complètement disparu dans la seconde. Dans Butterfly Beast II, c’est une Ochô d’une extrême fragilité qu’on suit. Bien moins sûre d’elle, beaucoup plus sensible pour ne pas dire faible, cette Ochô pourrait déplaire à beaucoup de gens. Encore plus à notre époque, où nous cherchons à dépeindre des femmes fortes. Mais Yuka Nagate prend le contrepied de ce désir, en n’hésitant pas à nous présenter une héroïne qui n’a pas demandé à l’être. Et c’est assez difficile à juger. D’un côté, nous pouvons nous réjouir du traitement réaliste et humain d’Ochô, qui comme tout être vivant à des émotions. Mais de l’autre, nous pouvons aussi nous désoler de découvrir cette nouvelle façade, tant la Ochô sans pitié était charismatique.
Une chose est sûre, les choix scénaristiques de Yuka Nagate, en particulier sur le personnage d’Ochô, peuvent être questionnés. Mais ça reviendrait à ignorer ce que symbolise Ochô : une kunoichi en plein doute sur ses actions et ses méthodes, qui se remet constamment en question sur sa place dans ce monde. En éliminant ses anciens compagnons, n’est-elle pas la plus monstrueuse ? Pourquoi est-ce à elle de maintenir la paix tout en restant dans l’ombre ? Tant de questions qui agitent Ochô et qui nous interpellent également. C’est pour ça qu’on ne peut pas reprocher à Yuka Nagate le choix de nous révéler qui est la vraie Ochô, vulnérable et sentimentale. Ce qui fait d’elle une humaine.
Ma note : 15/20
Au final, Butterfly Beast II reste une réussite. Malgré quelques points noirs, notamment au niveau du scénario, Butterfly Beast II se dévore aussi bien que son prédécesseur. On peut aussi avoir des regrets sur la fin un peu trop abrupte du manga, qui avait été faite sans l’aval de Yuka Nagate. Nul doute qu’elle aurait aimé approfondir plusieurs choses, et ça se ressent. Mais dans l’ensemble, Butterfly Beast II reste une très belle œuvre disponible chez nos amis de Mangetsu et que je vous recommande vivement !