Après Les Douzes Soeurs du Château sans Fin, on continue à parler de Shintaro Kago et des éditions Huber avec DEMENTIA 21 !
DEMENTIA 21, tome 1 :
Pour ce premier tome de DEMENTIA 21, Huber éditions avait décidé de marquer le coup avec deux moutures. Une « standard », et une « collector ». En ce qui me concerne, ma contribution permettait d’avoir la version collector donc je me baserai sur cette dernière.
L’ouvrage est tout simplement magnifique. Une couverture cartonnée, une reliure toilée, un papier épais, et une belle qualité d’impression. Le tout dans un format 18 x 25 cm et avec 14 pages d’illustrations supplémentaires… C’est un objet de collection (limité à 399 exemplaires).
Pour ce qui des couvertures, l’illustration est colorée et pétillante : ça attire l’oeil. Et on peut noter le marquage à chaud doré sur le dos du livre ainsi que sut la 4ème de couverture.
Yukie Sakai est une jeune aide à domicile pleine d’entrain, désireuse d’aider ses clients âgés. Mais ce qui semble être un travail simple se transforme rapidement en une série d’aventures de plus en plus surréalistes et bizarres qui la mettront à rude épreuve . Super héros en fin de carrière, vieilles femmes tyranniques, dentiers dotés d’une I.A prodigieuse. Suivez les aventures dérangeantes et effrayantes de notre héroine !
DEMENTIA 21, entre les Monty Python et Junji Ito !
DEMENTIA 21 se présente comme une série de 17 histoires courtes, d’une dizaine de pages chacune. On y suit Yukie Sakai, une employée de la société Green Net. Dans cette entreprise d’aide à la personne, la satisfaction des patients conditionne les primes et les revenus. Un concept diabolique (et génial dans le cadre du récit), dont sera victime notre protagoniste. En effet, celle-ci ayant un taux de satisfaction très élevée, ses collègues l’envient et lui mettent des bâtons dans les roues, lui refilant les pires situations.
Les cas sont divers et variés, mais toujours rocambolesques ; vous ne vous ennuierez pas. C’est souvent dérangeant, et on retrouve plusieurs éléments de la popculture japonaise. Un mélange des genres intéressants, qui contribue à rendre l’oeuvre plus accessible (le public de Shintaro Kago étant une niche assez restreinte). Les différentes histoires sont bien rythmées, prennent des directions surprenantes et se terminent par des chutes imprévisibles. Une très bonne lecture !
Scénario : 4/5
Chacune des histoires de DEMENTIA 21 se teinte d’étrange, de fantastique, de folie même. La virtuosité de Shintaro Kago réside dans sa capacité à donner des vie de cette démence. Il nous offre ainsi des dessins réalistes, précis et détaillés, mais surtout surréalistes comme à son habitude. Son style fashionable paranoïa joue sur les effets de répétitions, d’accumulation, mais également sur des compositions déstructurées, des perspectives audacieuses.
Le dessinateur joue avec les mises en scène, et trouve sa propre façon de narrer les histoires improbables qui naissent dans son esprit. C’est un spectacle magnifique, une explosion de créativité pour le lecteur lambda. Et pour les amateurs de dessin, c’est une démonstration graphique magistrale. J’ai particulièrement apprécié la façon dont le mangaka parvenait à modifier le ton de son récit par ses visuels. Il y a de l’horrifique, mais pas que ! On trouve aussi de l’absurde, du grotesque, et du franchement gore dans certains interchapitres.
Visuels : 5/5
DEMENTIA 21 est à ce jour mon titre préféré de Shintaro Kago. Pourquoi ? Parce que j’ai senti un vrai engagement de la part de l’artiste derrière ses récits. Au travers de Yukie et des différentes situations qu’elle vit, il aborde l’accompagnement des personnages âgées. Le vieillissement de la population est une vraie problématique de société japonaise. L’auteur nous montre des anciens en marge de la société. Ils en deviennent parfois effrayants, mais sont le plus souvent touchants.
C’est une critique cinglante et sans concession de la part de l’auteur. Et je dois reconnaître que cela trouve un certain écho dans la situation française actuelle. La mise en évidence de la nécessité et des difficultés des métiers d’aide à la personne était pertinente aussi. On peut regretter de ne pas avoir plus de réflexion, mais personnellement, je pense que ce n’était pas le but de l’auteur. Pour moi, c’était surtout un moyen de mettre en évidence tout ce qui ne va pas dans le traitement actuel des personnages âgées japonaises.
Thématique : 4/5
Malgré le sérieux de la problématique, DEMENTIA 21 n’a rien de moralisateur. Le fait que l’auteur reste « descriptif » n’y est pas étranger. Cependant, c’est surtout l’humour omniprésent qui vient désamorcer le tout et enlever tout aspect rébarbatif. Shintaro Kago nous offre un florilège de l’humour absurde dont il a le secret. Il joue avec les limites du raisonnable, de l’acceptable s’épanchant dans le grotesque, ou dans un humour profondément noir. C’est une œuvre satirique, avec laquelle on peut passer du rire franc à la gêne.
Personnellement j’ai adoré, mais je conçois que ce ne soit pas au goût de tous. Même les habitués de l’artiste pourraient être déstabilisés car on retrouve moins de contenus horrifiques qu’à l’accoutumée. Le mangaka sort un peu de l’ero guro nonsansu qui le caractérise, optant pour quelque chose qui a un sens véritable. Cependant, même si ça n’est pas effrayant, on est proche de ce que peut faire Junji Ito, avec des concepts poussés à l’extrême et des visuels en adéquation.
Humour : 4/5
DEMENTIA 21, tome 1, en résumé :
💎 Les points forts :
- Une succession d’histoires surprenantes et imprévisibles.
- Un dessin surréaliste plein d’audace.
- La thématique du traitement des personnages âgées est intéressante.
- Un humour noir et absurde, qui fait passer du rire à la gêne.
🪨 Les points faibles :
- Même si c’est plus accessible, cela reste très particulier.
✨ BONUS :
- L’édition collector est un vrai objet de collection !