Depuis le début de l’année et les négociations autour de la chronologie des médias, les professionnels du cinéma sont en pleine confrontation. Selon Variety, Disney aurait pour projet l’arrêt de la sortie de ses films dans les salles françaises pour les proposer uniquement sur sa plateforme de streaming.
Une crise qui a redistribué les cartes
La crise sanitaire a entrainé la fermeture des parcs d’attraction Disney et des salles de cinéma dans plusieurs pays. L’entreprise a perdu pas moins de 2,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Pour répondre à cette crise, le groupe a investi de plus en plus dans sa plateforme de streaming Disney +. Les résultats de cette nouvelle stratégie pour l’année 2020 ont été très encourageants. Dès la fin de l’année, la plateforme ne possédait pas moins de 73,7 millions d’abonnés dans vingt pays différents. Aujourd’hui, le groupe semble reposer sur deux canaux de diffusion : les salles et Disney +.
Pourtant, le succès des blockbusters américains cet été et les 75,5 millions de dollars générés par Shang-Chi semblaient avoir convaincu Disney de retourner en salles. Il y a quelques semaines, Disney avait annoncé que les films prévus en 2021 seraient diffusés en salles. Celles-ci auront donc l’exclusivité de plusieurs grosses productions comme Encanto, Les Eternels ou West Side Story.
Plutôt rassurant pour les exploitants qui avaient assisté impuissants à la sortie exclusive de Mulan, Soul et Luca sur Disney +. Les nouvelles annonces laissaient penser que le streaming n’avait été qu’une stratégie temporaire, le temps que la situation sanitaire soit assez stabilisée pour pouvoir retourner dans les salles.
C’était sans compter sur les nouvelles annonces de Disney. Selon Variety, le géant du divertissement envisagerait de sortir ses films directement sur sa plateforme de streaming, une manière d’échapper à la chronologie des médias en France.
La chronologie des médias, une spécificité française
La chronologie des médias est une spécificité de la loi française concernant la diffusion des long-métrages. Cette loi empêche les films diffusés au cinéma d’être disponibles sur les plateformes moins de 36 mois après leur sortie. Aux Etats-Unis, l’exclusivité de la diffusion ne dure que 45 jours. Cela est le cas dans plusieurs pays à travers le monde. La spécificité française repose sur le fait que les sorties américaines représentent moins de 50% des entrées en salles, alors qu’elles sont entre 70 et 80% dans les autres pays.
La chronologie des médias semble toutefois être obsolète depuis l’explosion des plateformes de streaming. Des négociations sont en cours avec les professionnels du secteur pour proposer une réforme de la loi. Mais les discussions s’éternisent. La décision finale qui devait être prise avant le 1er juillet 2021 n’a pas encore été annoncée.
Disney, quant à lui, semblerait vouloir éviter à tout prix cette chronologie des médias et sortir des négociations en retirant ses films du circuit des salles.
Le départ de Disney peut-il tuer les cinémas ?
Une telle décision de la part de Disney aurait un véritable impact sur l’économie des cinémas. Depuis le rachat de Pixar, Marvel, Lucasfilm ou 21st Century Fox, il semble impossible de se passer de Disney. Les productions Disney représentent aujourd’hui les plus gros bénéfices.
Le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC) prélève des taxes sur les tickets vendus pour subventionner l’activité cinématographique. Les blockbusters américains ne représentent pas moins de 50 millions d’entrées par an. L’arrêt de la sortie des films Disney en salles serait une perte considérable pour le CNC.
En réalité, certains professionnels du secteur appellent à la nuance. Jocelyn Bouyssy, directeur général du groupe CGR Cinémas, est confiant d’obtenir un accord avec Disney. Dans une interview, il a déclaré : « Nous avons vu récemment que Disney revient sur sa stratégie hybride. Non seulement ils ont réalisé qu’ils avaient besoin du cinéma pour générer des revenus, mais ils ont également vu que cela n’avait pas été bon pour leur image et leurs relations avec des talents tels que Scarlett Johansson » (Variety).
Si la menace lancée par Disney est bien réelle, les professionnels du secteur devront trouver un accord satisfaisant pour préserver l’industrie du cinéma.
Sources : Variety, Le Monde, Journal du Geek, Les Numériques