Yo les Gaakettes et les Gaak ! Après vous avoir fait découvrir le métier d’animateurs avec Sanda, aujourd’hui on vous fait découvrir une nouvelle interview. Celle-ci est donc avec les premiers créateurs de gaming Camerounais, Kiro’o Games. Ils ont créé le jeu Aurion: L’héritage des Kori-Odan qui a ensuite été décliné en BD. Sans plus d’attentes, notre discussion !
En quelques lignes peux-tu te présenter ?
Je suis Olivier Madiba, fondateur et actuel CEO du studio Kiro’o Games. Informaticien de formation et passionné de jeux vidéo, entre 2003 et 2006 j’ai appris comment créer des jeux vidéo sur Internet, de manière autodidacte.
Kiro’o Games, qu’est-ce que c’est ? Dis-nous tout !
Kiro’o Games est le tout premier studio de jeux vidéo au Cameroun et en Afrique centrale. C’est en 2016, avec une équipe de passionnés que nous avons réussi à sortir le tout premier jeu afro-fantasy de l’histoire, Aurion : L’héritage des Kori-Odans qui fut un véritable succès critique.
On est très impressionné par le rayonnement international de Kiro’o Games. D’ailleurs, comment l’aventure a commencé ?
Je suis un grand passionné de jeux vidéo depuis tout petit. Mais c’est réellement à partir de 2003 que l’idée de créer un jeu vidéo commence à germer dans ma tête alors que je n’étais encore qu’étudiant. C’est comme ça que je commence à apprendre sur Rpg-Maker 2003, en autodidacte et via des tutoriels en ligne.
Puis, des amis tout aussi passionnés que moi m’ont rejoint dans ce projet qui semblait irréalisable aux premiers abords et ensemble, malgré de grosses difficultés que nous avons rencontré en chemin, nous avons réussi à tenir le cap.
Ce qui est intéressant dans votre travail, on sent les inspirations mangas et gaming du Japon. En France, c’est via le Club Dorothée que nous avons connu les animes et les mangas. Comment ça s’est passé de votre côté au Cameroun ?
Au Cameroun c’est pareil. Vu que nos distributeurs de chaînes et programmes télé prennent majoritairement du contenu du côté de la France, nous nous sommes retrouvés exposés de la même façon que vous hahaha.
Quelles sont tes œuvres préférées ?
Celles qui m’ont forgé : Dragon ball Z, Les Chevaliers du Zodiaque, Metal Gear Solid et Final Fantasy 7.
Celles qui m’ont marqué pour leur approche : Attack on Titan, My Hero Academia (surtout l’optique du dépassement de soi et la construction progressive de Midoriya), One Punch Man, Red Dead Redemption 2, The Witcher et les God of War.
Actuellement, quelle est la place du manga et de la Japan culture au Cameroun ?
Même s’il y a de petites communautés éparpillées un peu partout. Le manga et la Japan culture font partie de l’ADN de plusieurs générations de Camerounais parce que c’est vraiment à ça qu’on a été exposé durant notre enfance.
Maintenant il y en a certains pour qui ça représente plus une partie de leur enfance (la nostalgie du passé lol) et d’autres qui sont devenus de purs Otakus et guettent les moindres sorties de mangas en espérant trouver la nouvelle pépite avant tout le monde, mais il faut avouer qu’ils sont un peu plus rares.
Comment sont vus les passionnés comme ton équipe et toi par la population ?
C’est assez mitigé. Disons qu’il y en a qui nous adorent et voient en nous des modèles de persévérance et de réussite quand on est guidé par la passion. Et il y en a d’autres par contre qui nous voient comme des vieux immatures qui ne veulent pas grandir (car pour beaucoup dans notre culture, toutes formes de dessins animés ou jeux vidéo est vu comme pas sérieux, donc pour les enfants).
Aurion est l’œuvre phare de Kiro’o Games, comment celle-ci a germé dans ton esprit ?
Etant un super fan de Final Fantasy 7 et de Metal Gear Solid quand j’étais encore ado (je les adore toujours hein), ces 2 jeux m’ont réellement fait rêver, voyager et même grandir. Je voulais être capable un jour de faire ressentir ce sentiment à des gens qui joueraient à un jeu que j’aurais créé. C’est vraiment ça la base de la base.
Maintenant au fur et à mesure que les années passèrent, toujours passionné, j’ai commencé à lire sur internet comment faire un jeu vidéo et à penser à mon Son Goku noir (rire) puis à écrire les choses de façon à faire aussi grandir les autres.
À la base, c’est donc un jeu-vidéo, plus précisément un Action-RPG. Par-là suite, vous avez décidé de faire du transmédia avec une bande-dessinée. Pourquoi ne pas avoir tenté un manga noir & blanc ou tout autre chose ?
En fait, étant encore no name sur le marché de la BD et du manga nous nous sommes dit qu’il était préférable de s’introduire avec un produit le plus exceptionnel possible et pensons que la couleur amène une valeur ajoutée supplémentaire qui peut permettre à l’œuvre de gagner en crédibilité plus rapidement. Nous avons aussi pris une direction de communication particulière.
Il faut savoir que le marché du manga est déjà pas mal saturé et pour s’y imposer avec quelque chose de classique il nous faudrait une force de com’ que nous ne possédons pas encore.
Mais une version noir et blanc de l’œuvre existe. Nous prenons alors le risque de mettre à disposition cette version gratuite et en noir et blanc de la BD sur des sites populaires de lecture de mangas. Elle nécessite en effet moins de travail et a des sortie plus régulières mais progresse proportionnellement moins vite dans le scénario car ce dernier y est plus fractionné que avec les chapitres.
Comment définis-tu l’Afro-Fantasy ?
L’Afro-Fantasy selon nous suit un peu la logique de l’Heroic-Fantasy mais dans un contexte et une culture inspiré des mythes et légendes africaines ainsi que de l’histoire de l’Afrique. Pour créer la cosmogonie de notre univers, nous nous sommes inspirés de mythes et légendes de plusieurs cultures africaines différentes.
Nous nous sommes demandés à quoi ressemblerait un monde fantasmé dont toute l’histoire s’inspirerait de ces cultures. À quoi celles-ci ressembleraient après plusieurs milliers d’années d’évolution suivant un chemin sans le chapitre de colonisation du monde réel, et sans industrialisations mais plutôt en approfondissant et perfectionnant l’artisanat.
On y rajoute un peu de « magie », de spiritualité basée sur les esprits et les ancêtres, du métissage avec quelques cultures non africaines (par exemple Nama, la Ju’u de Enkwo, a une culture métissée à celle de la Chine) et ça donne Aurioma notre monde.
Quel délais vous vous imposez à la sortie des parties d’Aurion ?
À dire vrai nous sommes encore en train de roder le processus mine de rien. Mais nous nous imposons le délais de 3 à 4 mois pour la sortie d’une partie (3 chapitres) et sa disponibilité sur Amazon. Et pour ce qui est de la version en Noir et Blanc gratuite, un demi chapitre tous les mois.
La partie 5 est sortie tout récemment. Sur combien de tomes vois-tu la durée d’Aurion ?
Le fractionnement de la BD est un peu particulier. Il faut savoir que un Tome est un recueil de 3 parties. Une partie est un recueil de 3 chapitres (donc un tome c’est 9 chapitres soit 3 parties de chacune 3 chapitres).
Je ne suis pas sûr là tout de suite pour le nombre de tomes, mais l’histoire déjà écrite a un potentiel de 200 chapitres d’après nos estimations. Même si on conserve le rythme scénaristique actuel qui est en fait assez rapide (parce qu’on veut faire avancer le contexte à chaque chapitre).
Si on se rend compte à un moment qu’on doit prendre plus de temps pour le développement de personnages et la contemplation du monde et de l’univers ça pourrait bien rallonger les choses. D’ailleurs on est toujours intéressé par l’avis des lecteurs à ce sujet, parce que nous, en ayant la tête dans le guidon et une longue histoire à raconter d’un univers qu’on connaît bien maintenant, on peut avoir tendance peut-être à aller un peu vite j’imagine. Donc on est à l’écoute.
Quel message veux-tu faire véhiculer ?
Aurion : L’héritage des Kori-Odan est une œuvre qui va chercher dans ce qui nous fait vibrer tous dans les animés et mangas, et exploite ces codes dans un univers d’African Fantasy qu’on a écrit et construit sur plus de 10 ans. Mais c’est surtout une allégorie sur le chemin intérieur du leader et une histoire dans laquelle des points de vue différents s’affrontent face à des enjeux un peu universels et multiculturels.
On s’est inspiré de nombreuses cultures Africaines pour inventer ce monde et on pense que la BD, en plus de proposer une façon différente de raconter notre histoire, peut être un complément intéressant à ce qu’on peut vivre dans le jeu vidéo.
Hormis Aurion, allons-nous voir Kiro’o Games sur une nouvelle licence dans un avenir proche ?
Bien évidemment. C’est vrai qu’Aurion est l’âme même du studio Kiro’o Games et que nous avons encore plein de projets pour cette licence, mais nous ne sommes pas fermés à l’idée d’en créer d’autres. Justement nous travaillons actuellement sur notre premier jeu smartphone : « Le Responsable Mboa » qui, en gros, est un jeu avec une approche parodique des fonctionnaires africains. Vous pouvez jeter un coup d’œil à son trailer.
Chez Kiro’o Games vous faites du gaming mais également de la bande-dessinée. Te vois-tu t’attaquer à d’autres médias comme l’animation par exemple ?
Oui effectivement nous avons en projet de sortir un animé d’Aurion d’ici quelques années. Mais pour cela nous avons d’abord besoin d’être suffisamment bien implanté dans l’univers du gaming et de la bande dessinée avant de réellement nous engager dans cette autre voie.
L’Afrique grouille de dessinateurs et artistes sacrément doués. Cependant, les maisons d’éditions et financement ont l’air de manquer. Comment ça fonctionne chez vous ? Il y a-t-il des maisons d’éditions comme en France ?
Comme je vous l’expliquais un peu plus haut, il y a cette perception de la société africaine (en tout cas camerounaise) vis-à-vis des dessins animés, bandes dessinées et jeux vidéo qui pense que c’est juste une perte de temps alors qu’il y a des problèmes plus importants auxquels on doit faire face.
Du coup il existe bien des maisons d’édition, mais elles sont plus disposées à éditer des « œuvres sérieuses » qui traitent de réels problèmes de la société, que de mangas et autres trucs de jeunes. Autrement dit, ce n’est pas un marché dans lequel les maisons d’éditions au Cameroun, et en Afrique en général, sont très engagées. Et c’est vrai aussi qu’elles ne sont clairement pas aussi nombreuses qu’en occident.
Comment vois-tu l’évolution du gaming et de la bande-dessinée en Afrique ?
C’est un marché encore émergent certes, mais qui a un très fort potentiel. Parce que de plus en plus de jeunes veulent consommer ou veulent mettre sur pied du contenu 100% africain et accessible localement. Et avec l’évolution technologique qui facilite de plus en plus certains process, je crois qu’il faut encore quelques années mais que nous allons dans la bonne voie.
D’après toi, qu’est-ce qui manque à l’Afrique pour devenir un pilier du gaming et du divertissement ?
Honnêtement nos institutions étatiques et financières devraient plus encourager ce genre d’initiative chez les jeunes. Mais surtout les mentalités aussi doivent changer parce que les gens des générations précédentes ne prennent toujours pas ce secteur au sérieux. Un peu comme dans les années 70-80 en Europe et en Amérique avant que Nintendo ne vienne chambouler un peu le secteur.
Un conseil pour un débutant qui voudrait se lancer ?
Il faut croire en ses rêves et se donner les moyens d’y arriver. Les obstacles sont légion sur le chemin de la réussite et faire des jeux vidéo ce n’est clairement pas de tout repos. Mais c’est la réelle volonté de réussir qui fait la différence. Comme j’aime souvent le dire : « Être réaliste, c’est trouver un moyen rationnel pour atteindre un but magnifique »
Un mot pour la fin Kiro’o Games ?
Aurioniquement votre ^_^
On remercie grandement Oliver et toute la team de Kiro’o Games pour avoir répondu à nos questions. Si vous avez aimé cette interview et que Aurion vous intéresse, vous pouvez vous procurer les tomes sur Amazon à ce lien. N’hésitez pas à les suivre sur les réseaux !