Pour cette fois, le coffre nous propose un titre un peu différent. Aime ton prochain est donc un manga que l’on peut retrouver dans la collection WTF?! d’Akata.
Il s’agit d’une série thriller, suspense, psychologique dans un cadre school-life de Daisuke Chida.
Pour ceux que cela intéresse, Akata a mis à disposition les premières pages du premier tome. Elles sont à retrouver juste ici.
Premières pages d’Aime ton prochain
WTF?! Oui, et ça commence avec les couvertures!
En première de couverture, on retrouve un personnage féminin. Attaché par les poignets avec des chaînes. Et surtout, les yeux bandés avec des vêtements en lambeaux.
S’ajoute à ça la typographie sanglante du titre. Aime ton prochain, slashé et éclaboussant.
Le ton est donné, ça va être sanglant, ça va être dérangeant, voire malsain. Pourtant… il s’agit d’un shonen, et je reviendrais là dessus en fin de critique.
Et la quatrième de couverture vient nous conforter dans cette idée.
Kazumi Ichinose est un lycéen de seize ans. Il y a six ans, sa vie a basculé dans l’horreur lorsque Saki Mido, une camarade de classe de l’époque, s’est entichée de lui. Depuis, l’adolescent vit un véritable enfer à cause de cet amour à sens unique que lui voue la jeune fille. En effet, d’une jalousie maladive, cette dernière ne laisse derrière elle qu’un torrent de sang et de larmes, et même un cadavre… Peut-on continuer à vivre quand on est aimé par le Mal incarné sur qui la raison et la morale n’ont aucun effet ?
Alors… Je dois dire que j’étais assez peu emballé au départ, ça arrive. En cause notamment, une couverture assez peu convaincante.
Mais le résumé m’a intrigué je dois l’avouer. La thématique « horreur psychologique », c’est quelque chose que j’aime bien. J’ai assez peu de références dans le genre, mais celles de Junji Ito font partie de celles que j’ai retenues.
Sur ce, trêve de blabla, et entrons dans le vif du sujet!
Aime ton prochain, véritable horreur ou simple frousse?
Aime ton prochain… ou tue-le
Le récit commence assez fort. Dès les premières pages, on a des enfants, du sang, du meurtre et on n’est pas très rassuré.
On se demande un peu dans quoi on s’embarque finalement. Une entrée en matière assez rude, mais bien construite.
Bizarrement, après cela, l’auteur nous emmène plutôt dans une sorte de school-life. J’ai trouvé ça un peu perturbant, ce décalage.
Finalement il s’avère qu’elle se sert de ce cadre pour développer un peu son personnage principal, Ichinose. Ses angoisses, ses peurs, ses doutes. Son traumatisme surtout finalement. Lui qui revit, sans grande surprise, le meurtre de son amour d’enfance. On vit avec lui un début de reconstruction, un travail sur lui même. La psychologie des personnages est assez bien mise en place, c’est crédible.
Mais toujours plane ce fantôme du passé qu’est la meurtrière Saki Mido. D’ailleurs, c’est elle qui sera un peu le fil rouge, le ressort de l’intrigue. La jeune fille, et son délire érotomane poussé à son paroxysme, est celle qui fait peur. Celle dont il faut se méfier et qui apporte l’horreur et la tension psychologique du récit.
Dans son amour inconditionnel, pathologique pour Ichinose, Saki Mido est prête à tout. Mais vraiment à tout. Ichinose lui appartient, elle ne peut tolérer qu’on lui dérobe ni même qu’on lui emprunte.
Voilà ce que raconte ce premier tome d’Aime ton prochain. Sur le papier c’est plutôt sympa. L’histoire est assez rythmée. Les personnages consistants. On a la tension nécessaire. Mais là où le bât blesse selon moi, c’est dans la représentation de cette histoire. Le visuel est capitale je pense dans les manga d’horreur psychologique.
Aime ton prochain, mais avec gentillesse et proprement
Le gros point négatif pour moi dans ce premier tome, c’est donc le manque d’immersion.
Je pense que cela est due à plusieurs choses. La première, c’est déjà le code graphique de l’auteur. Tout est très enfantin déjà, les personnages sont des collégiens, des lycéens. Je conçois que ça peut-être pour donner un côté malsain… Mais là… Je n’ai pas été convaincu. Tout est très propre, très épuré. Même les scènes horrifiques, elles se résument à du sang, et une lame. On est, à mon sens, trop éloigné du réel, du glauque pour ressentir de l’horreur.
Deuxièmement, c’est le découpage. Si le début fait penser à un school-life, ce n’est pas uniquement dans l’histoire. Le découpage est très linéaire, très carré. Pour un school-life ça marche, il n’y a pas de souci. Pour un manga d’horreur psychologique, ça coince un peu. L’aspect calibré au millimètre, rythmé enlève toute la puissance des scènes horrifiques. La tension est inexistante. (À part peut-être quand Ichinose pense avoir des hallucinations et le passage du stalking, là c’était réussi).
Et le dernier point selon moi, c’est la mise en scène. Tout est trop propre, trop chirurgical. Ça manque de vrais grands éclats de rire fous. Ça manque de sang, ça manque d’emphase sur les meurtres et la torture. Pour une histoire d’horreur psychologique, j’ai ressenti très peu de gêne, de malaise. Et côté frisson bah… encore moins. Rien de vraiment malsain. Quitte à vouloir mettre des personnages enfantins, autant aller jusqu’au bout et jouer sur les expressions faciales, sur les regards etc…
Et c’est là que vient se poser une question. Était-ce bien pertinent de faire publier cette série en tant que shonen ? Est-ce une volonté de l’auteur de briser l’aspect horrifique? Ou est-ce une contrainte posée par le magazine de prépublication ?
Je n’ai pas la réponse, mais je serais bien curieux de le savoir.
Le mot de la fin pour le Nain!
Alors ce premier tome est un peu moyen pour moi. D’un côté on a une histoire qui a une certaine ambition, un certain but. Et qui, je trouve, fonctionne plutôt bien. Mais de l’autre on a un dessin, un graphisme un peu à la ramasse… Je m’excuse envers l’auteur pour ça.
Le genre horreur psychologique repose beaucoup sur le visuel, sur l’impact des scènes. Et là… C’est manqué. Je trouve qu’Aime ton prochain passe un peu à côté de ce qu’il prétend être.
Cependant, il n’est pas exclu que ce soit moi qui me trompe. Je ne suis clairement pas le public que vise cette oeuvre, et il pourrait bien plaire et fonctionner sur celui qui l’est. Le décalage enfantin/horreur n’a pas troublé mais il saura en surprendre d’autres. C’est évidemment quelque chose qui peut-être perçu comme malsain, pervers même.
Pour finir, j’aimerais juste laisser un petit mot pour les éditions Akata, qui ont fourni un super travail de traduction et de transposition. Les onomatopées etc ont vraiment été remaniées, du soin a été apporté au tout. Vraiment une très belle édition!
© Daisuke Chida / Kodansha Ltd.