Il était temps d’aborder le cas Inio Asano dans ces reviews! Pour débuter, on s’intéresse donc à Nijigahara Holograph, un des premiers one-shot de l’auteur!
Une nouvelle édition pour Nijigahara Holograph!
Ce n’est pas la première fois que Nijigahara Holograph est publié en France. En effet, l’oeuvre est déjà sortie chez nous en 2008; deux ans après sa parution japonaise. À l’époque, ce sont les éditions Panini manga qui nous avaient permis de découvrir le manga, sous le titre Le Champ de l’arc-en-ciel.
13 ans après, c’est aux éditions Kana que l’on redécouvre le titre, avec une copie totalement revue évidemment. Cette fois, l’éditeur a fait le choix de reprendre la couverture de la version anglaise. L’ouvrage s’ajoute au label Made In de Kana, un label « prestige ». De fait, c’est un ouvrage d’excellente qualité qui nous est proposé; grand format (17x24cm), jaquette cartonnée ainsi qu’un papier épais et une impression soignée.
La toute première histoire longue imaginée par Inio Asano.
Entre passé et présent, des élèves d’une petite école primaire reviennent sur des événements tragiques qui se sont déroulés dans la plaine de Nijigahara, près de chez eux. Les rumeurs qui circulent entre les enfants, le monstre dans le tunnel, les secrets de chaque famille, la prolifération anormale de papillons…
Les fils de chaque histoire s’entremêlent pour former l’Apocalypse d’un nouveau siècle
« Aujourd’hui je ne serais probablement plus capable de dessiner une histoire comme celle-ci. »
Inio Asano.
Nijigahara Holograph: Au bout du tunnel, les papillons
L’histoire que nous propose Asano dans ce one-shot est empreinte de légendes, de mystères. Mais rien de très mythologique ou folklorique, non, cela relève plutôt de la légende urbaine, voire de l’imagination débordante des enfants.
Un tunnel qui serait l’antre d’une bête démoniaque, une jeune fille dans le coma; quels liens peut-on faire ? Présent et passé sont intrinsèquement liés, mais qu’en est-il du futur? Difficile d’anticiper et on se laisse finalement porter par le récit de l’auteur.
Néanmoins, même les explications de ce dernier peuvent nous laisser sans réponse. Ainsi, il vous faudra peut-être une deuxième voire une troisième lecture pour saisir l’intégralité de l’histoire.
Scénario: 3/5
Pour ce qui est du dessin, j’étais habitué au trait de Dead Dead Dead Demon Dededededestruction, dernière oeuvre en cours de l’auteur. Nijigahara Holograph étant sorti 8 ans auparavant, le style est logiquement plus hésitant, moins sûr. Il n’en reste pas moins très bon. Ce sont surtout les doubles pages qui dévoilent le talent (encore naissant à l’époque) de l’auteur.
Les décors et arrières-plans sont tout bonnement magnifiques. Et comme le disent si bien les personnages, et si on en faisait un tableau?
En revanche, là où je trouve que c’est moins bon, c’est sur les visages et plus globalement les personnages. Des petites approximations, des petites erreurs de proportions. Mais c’est une oeuvre de « jeunesse », alors on peut pardonner.
Dessin: 3/5
Mais si le dessin est parfois hésitant, il n’en est rien en ce qui concerne la mise en scène et le découpage. On peut aisément constater la maestria d’Asano dans ce domaine. Dès les premières pages, elle s’impose comme l’un des gros points forts du titre. Le symbolisme est évidemment au rendez-vous, et donne un cachet très intéressant à l’oeuvre. L’ambiance est indéniablement liée au rêve, ou au cauchemar, deux faces d’une même pièce finalement.
On a parfois du mal à déterminer ce qui est existant ou non, ce qui est fantasmé ou réel. L’oeuvre complète est pleine de poésie, mais une poésie dérangeante, lugubre voire presque macabre.
Ambiance: 5/5
Un des autres points d’intérêt selon moi, ce sont les thématiques abordées. Comme souvent avec Asano il est question du passage à l’âge adulte, mais dans tout ce qu’il a de plus complexe évidemment. Place de l’individu dans le groupe, dans la société, voire même jusque dans le monde. On retrouve également le harcèlement, qu’il soit scolaire, de rue ou « professionnel ». L’auteur n’hésite par ailleurs pas à mettre en scène des évènements très durs, des viols, des passages à tabac… C’est à la fois très humain et très cruel.
Thématiques: 5/5
En résumé :
Avec ce one-shot, une de ses premières histoires longues (2006), Inio Asano nous propose ce que j’appellerai l’essence de son art. Au delà du dessin, qui est déjà magnifique (mais qui est encore meilleur dans ses oeuvres récentes), il propose une histoire dont lui seul à le secret. Le présent est intrinsèquement lié au passé et pourquoi pas… Au futur?
Dans une sorte de huis-clos à l’échelle d’une ville, Inio Asano présente une histoire tortueuse empreinte de mystère et également de poésie. Mais tout n’est pas aussi rose, ce serait mal connaître l’auteur. Cette atmosphère très particulière, entre le lugubre et l’onirique, vient donner du corps aux intrigues et aux thématiques traitées: passage à l’âge adulte, place de chacun dans la société, harcèlement, viol, meurtre…
Ne vous méprenez pas, c’est une histoire des plus sombres et plutôt complexe aussi. Nijigahara Holograph nécessitera peut-être plusieurs lectures de votre part pour vous révéler tous ses secrets !