Quand sonne la tempête est le nouveau polar social et incisif des éditions Akata! Je vous donne mon avis sur le premier tome!
Quand sonne la tempête, un portrait critique de la société japonaise contemporaine!
Quand sonne la tempête, Makaze ga fuku en VO, est un manga seinen de Masaki Enjoji. À noter qu’il s’agit de la toute première série de l’auteur. Il est paru dans le Young Jump de Shueisha entre 2018 et 2019. La série compte 5 tomes en tout, donc les deux premiers sont disponibles en France. Le tome 3 arrivera le 6 janvier prochain.
L’éditeur a fait le choix de conserver la couverture originale. Un choix que je trouve pertinent tant la couverture est intrigante. Un chargeur de téléphone qui sort d’une cicatrice sur le bas ventre, ça à de quoi susciter notre curiosité, non? L’adaptation française avec la typographie est, selon moi, très réussie.
Quelque part au Japon, dans une ville de province portant les stigmates d’un violent séisme…
Quand Sakai a accepté, une unique fois, un petit boulot de “collecteur” pour la mafia locale, il n’imaginait pas dans quoi il s’embarquait. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, et tandis qu’un terrible typhon s’approche de la ville, le voilà impliqué dans une sombre histoire de meurtre, avec un téléphone portable greffé dans ses entrailles… Entre vengeances, secrets du passé, chantages et autres magouilles, ce “déchet de la société” arrivera-t-il à sauver sa peau ?
Il est maintenant l’heure de la lecture!
Quand sonne la tempête, c’est l’histoire d’un jeune homme qui se retrouve pris dans une histoire qui le dépasse complètement. Pour survivre dans cette société corrompue, il n’a d’autre choix que d’accepter un job douteux de « collecteur ». Cependant… Il ne réalise pas de suite qu’il conclut un marché avec la mafia locale. Pour lui, c’est le début des ennuis, et les prémisses d’une véritable descente aux enfers. L’intrigue est originale, presque folle.
Le tout est cohérent, on sent la détresse de Sakai et l’enchaînement des évènements qui le poussent vers les bas fonds est crédible. En filigrane, on perçoit évidemment une critique acerbe de l’être humain et des sociétés modernes.
Mais pour ma part, j’ai manqué que tout cela manquait un peu de contexte. J’aurais aimé en savoir un peu plus sur le rapprochement entre Sakai et le recruteur de « collecteurs ».
On comprend que Sakai était en difficulté financière, qu’il n’a pas de travail; mais sa rencontre avec l’indicateur arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. Je comprends qu’il fallait introduire rapidement les bases de l’histoire, mais là c’est trop rapide à mon goût. J’ai d’ailleurs eu du mal à m’attacher à ce protagoniste.
Scénario: 4/5
Pour ce qui est du dessin et de l’esthétique globale de Quand sonne la tempête, je dois dire que c’est une très agréable surprise. Le design des personnages est soigné, tous sont assez différents les uns des autres ce qui empêche qu’on les confonde. Les arrières-plans sont très complets, avec de nombreux détails. Mention spéciale pour les visuels de destruction suite au typhon. Pour ce qui est de l’immersion, c’est un sans faute à mon sens.
Le seul reproche que je pourrais faire, éventuellement, c’est la rigidité des expressions parfois. Le trait est voulu réaliste, mais du coup, on perd parfois un peu le côté manga, l’aspect très expressif. Mais c’est vraiment pour chipoter un peu, car Masaki Enjoji maîtrise bien la transmission des émotions de ses personnages.
Et c’est d’autant plus impressionnant qu’il s’agit du premier manga de Masaki Enjoji. Ça promet pour la suite! Un auteur que je vais suivre de très près en attendant sa prochaine oeuvre.
Dessin: 5/5
Quand sonne la tempête est présenté comme un polar, un oeuvre avec une intrigue policière. Cependant, ma lecture m’a plutôt fait penser à un thriller psychologique. Pour ma part en tout cas, il entre bien plus dans les codes de ce genre. Je n’ai pas l’habitude de lire ce genre d’histoire en manga; et c’était finalement rafraîchissant de découvrir cette oeuvre.
La tension est présente dès les premières pages. Une course poursuite dans des lieux à l’abandon, tagués, insalubres: ça nous met dans l’ambiance. Les jeux de lumières et d’ombre, les aplats de noir, donnent une atmosphère pesante au manga.
Et la suite est plus glauque, plus noire encore! Disparition de cadavre, opération clandestine, enlèvement, violence décomplexée… S’ajoute à cela la greffe de Sakai, un téléphone dans l’estomac, qui le dépossède de tout libre arbitre. C’est assurément une oeuvre rude, tant dans la violence physique que psychologique qu’elle dépeint. À ne pas mettre en toutes les mains donc. Et c’est peut-être ce que je reprocherai: une sensation de « trop », d’exagération qui vient rendre le tout un peu moins crédible.
Tension: 4/5
Un autre point qui, à mon sens, fait la force de Quand sonne la tempête, ce sont ses personnages. Plus précisément leur développement, leur traitement.
D’abord, Sakai le personnage principal. Le traitement que Masaki Enjoji en fait est magistral (et très cruel, aussi). Déjà sur le fil du rasoir au début de l’oeuvre, on le voit peu à peu sombrer. Ses relations sociales, à l’image de toutes les habitations après le typhon, s’effondrent. On sent le personnage de plus en plus fébrile, fragile. On se demande jusqu’où il s’enfoncera.
Ensuite, les personnages secondaires. Je pensais que l’histoire se concentrerait sur Sakai, et que les autres personnages ne seraient que des figurants. Et bien finalement… Non. Petit à petit, les personnages secondaires s’imposent; on les découvre sous d’autres aspects, bien souvent plus sombres que ce qu’on imaginait au départ. I
Et pour finir, les interactions entre Sakai et ces derniers sont très bien pensées. On les pense d’abord amis, voire plus, mais bien vite la misère, la corruption, la bassesse de l’esprit humain refont surface et viennent mettre à mal les liens supposés. C’en est presque glaçant, on finit par être pris d’empathie pour Sakai, écoeurés par les comportements humains.
Personnages: 5/5
Lors de l’annonce de Quand sonne la tempête par Akata, j’avais tout de suite été charmé par le synopsis. C’était étrange, glauque. J’ai ressenti une fascination un peu morbide. J’avais donc d’assez grandes attentes avant ma lecture. Et pour aller droit au but, ces attentes ont été comblées!
Le scénario est prenant, cohérent. L’intrigue est originale, évidemment déjantée, mais reste énigmatique. On veut comprendre, on veut en savoir plus. Jusqu’où ira Sakai? Que devra-t-il faire en tant que collecteur? Quel sera le rôle de la mafia? La fascination morbide qu’exerce le synopsis se retrouve dans l’histoire.
Le personnage de Sakai, qui perd tout ce qu’il peut détenir pour un unique mauvais choix suscite notre empathie. Ceux qu’il considère comme ses proches dévoilent leur vrai visage, et viennent ajouter une charge supplémentaire à ses angoisses. On est presque peiné de le voir souffrir autant, et on ne peut que constater sa descente aux enfers. C’est rude, physiquement, psychologiquement.
Le manga se présente ainsi comme une vraie critique des sociétés modernes, mais également de l’être humain. Masaki Enjoji nous montre l’humain sous ses pires facettes. Quand sonne la tempête, c’est comme une exploration de la bassesse d’esprit dont est capable l’humain.
Et que serait l’oeuvre sans ce dessin détaillé et précis, les encrages, les jeux de lumière avec les aplats de noirs ? Tout contribue à donner une atmosphère pesante, anxiogène au récit. Pour un premier tome, et une première série, c’est un pari relevé haut la main. J’ai hâte de découvrir la suite!
Vous pouvez découvrir les premières pages du manga juste ici: Extrait Quand sonne la tempête.