Aller au contenu
Accueil » Critiques » My Broken Mariko : le live action, mieux que le manga ?

My Broken Mariko : le live action, mieux que le manga ?

  • Emma 

Un bol de ramen… Une jeune employée de bureau… Les informations qui passent en boucle à la TV. Tomoyo mène une vie bien banale, jusqu’à cet instant où sa meilleure amie met fin à ses jours. Sur cette scène d’ouverture, My Broken Mariko lance la course effrénée de Tomoyo pour accompagner son amie dans son dernier voyage.

Synopsis

Tomoyo apprend le suicide de sa meilleure amie, Mariko. Sa vie, si brutalement interrompue, a été brisée par les violences des hommes à son encontre, à commencer par celles de son père. Sous le choc, Tomoyo s’empare de ses cendres et part en direction de la plage où elles rêvaient de se rendre…

Trailer

Phénomènes de société et histoires personnelles

Sortie au Japon le 30 septembre dernier, My Broken Mariko est une adaptation de Yuki Tanada du manga éponyme de Waka Hirako paru en France aux Editions Ki-oon en janvier 2021 (pour lire la critique du manga, c’est par ici). L’œuvre originale a pour ambition de traiter plusieurs phénomènes de société au travers de l’histoire personnelle d’un duo d’amies. Suicide, inceste, violences physiques et psychologiques, pression au travail… Le projet est ambitieux mais bien abouti. Les thématiques sont traitées avec justesse sans jamais tomber dans la facilité, ni le cliché. 

Le suicide est évidemment la thématique centrale. La perte est soudaine, inexplicable, irréelle et violente. Le spectateur partage dès les premières minutes le désarroi de Tomoyo. On suit brillamment le « travail du deuil » de l’héroïne dont les différentes phases sont soigneusement décortiquées. Contrairement à l’auteure, la réalisatrice développe la journée du suicide et accentue la fulgurance et la perte éprouvées par Tomoyo. Des scènes non traitées dans l’œuvre originale et qui sont les bienvenues dans le film.

Ensemble pour un dernier voyage

Avec la scène d’ouverture, le spectateur comprend aisément qu’il ne s’agit plus seulement de l’histoire de Mariko mais bien de celle de Tomoyo. Les heures précédant le suicide ou présentant Mariko sans Tomoyo ne sont d’ailleurs jamais traitées. En 1h30, top chrono, Yuki Tanada se lance le défi fou de répondre à la question : comment la mort d’un proche nous affecte-t-elle ? Le spectateur quitte la salle avec le sentiment de ne pas avoir eu toutes les réponses. Mais c’est finalement cela qui rend le film intéressant et le traitement du sujet pertinent.

Après l’annonce fatidique, rapidement, le passé se heurte au présent. Tout se confond. L’héroïne est submergée par tout type d’émotions : colère, révolte, amour, nostalgie, impuissance, tristesse, culpabilité, solitude. L’état de choc est accentué par ces images du passé qui refont surface. Recollant petit à petit les morceaux de sa vie, elle tente de corriger les injustices subies par Mariko. L’urne contenant les cendres de sa défunte amie sous le bras, elle l’accompagne, presque main dans la main, dans son dernier voyage.

Rester fidèle à l’œuvre originale

La réalisatrice ne tente aucun coup de maître et s’en tient relativement fidèlement au scénario d’origine. Le peu d’ajouts aurait d’ailleurs tendance à desservir le récit. Elle essaie notamment de donner une profondeur artificielle à la relation entre Tomoyo et l’inconnu de la plage. Quant aux plans et aux dialogues, ils suivent avec minutie les planches du manga, ni plus, ni moins. Un parti pris parfois décevant qui questionne l’intérêt d’une telle adaptation.

Toutefois, le traitement de l’image est agréable. Les jeux entre lumière et obscurité sont intéressants et donnent à Mariko ce côté insaisissable, quasiment christique, qui fait d’elle une sorte de martyre. Le film baigne dans une ambiance dorée simple tout en traitant de sujets particulièrement difficiles. Il arrive à rester léger malgré la thématique ce qui se ressent dans le choix des cadrages et des couleurs. La réalisatrice parvient à nous donner envie d’accompagner Tomoyo dans ces moments difficiles, celle dont la vie est pourtant si banale pour le 7ème art.

D’une certaine façon, le film semble familier. Les souvenirs, le proche qui aperçoit le défunt, certaines scènes peuvent paraître déjà vues et indigestes mais sont traitées avec pudeur et délicatesse ce qui empêche de faire basculer le film dans le ringard et le mauvais goût.

Un duo à la vie comme à l’écran ?

Le spectateur se laisse aisément séduire par Nao Honda (Mariko Ikagawa) qui incarne à la perfection une Mariko fantomatique au sourire figé. Mei Nagano (Tomoyo Shiino) peine, quant à elle, parfois à convaincre. Si elle sait transmettre les émotions dans les scènes dramatiques, elle ne se démarque pas dans des moments plus légers, difficilement transposables à l’écran. Ses tentatives de reproduire la palette d’émotions et les expressions exacerbées du dessin original tombe souvent dans le surjeu et le grotesque, laissant un goût amer chez le spectateur. 

Pourtant, quel que soit l’âge des actrices, la réalisatrice nous propose un duo qui fonctionne toujours et dont l’alchimie est palpable. Leur talent est d’autant plus visible dans les scènes du passé qui s’imbriquent intelligemment dans la trame du film.

Note : 16/20

En résumé, My Broken Mariko est un film qui dépeint avec justesse des problèmes sociétaux qui transcendent l’archipel japonais. On se laisse emporter par une héroïne inlassablement en mouvement. Elle nous entraîne dans les travers les plus sombres de la société, dont on ne ressort pas indemne.

Si la sortie française n’est pas encore connue, le film est à découvrir exceptionnellement en salles en présence de la réalisatrice à la Maison de la culture du Japon à Paris le mercredi 14 décembre 2022 à 19h30.