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Japan Touch : Interview de Mig, l’auteur d’Ogrest !

  • Goraikou 
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La Japan Touch Lyon s’est déroulée à Eurexpo les 27 et 28 novembre dernier. Là-bas, j’ai pu y rencontrer Mig, l’auteur d’Ogrest, un manga dans l’univers de Dofus et Wakfu. Au cours de l’interview, Mig nous raconte les coulisses du métier de dessinateur en France et plus particulièrement chez Ankama, la société qui produit les séries et les jeux autour de l’univers du Krosmoz.

Pour les lecteurs qui ne connaissent cet univers que de loin, Ogrest est le personnage qui a fait basculer le Krosmoz de l’ère des Dofus à l’ère du Wakfu. Il est donc un personnage clé de cet univers. Présent dans les jeux vidéo d’Ankama tout comme dans la série Wakfu, Ogrest est développé dans une histoire qui lui est propre à travers les dessins de Mig, qui nous a accordé une interview pour en parler.

Image d’Ogrest au sommet du Mont Zinit (source : site officiel Wakfu)

Mig en interview :

Bonjour Mig, pourriez-vous vous présentez pour commencer ?

Bonjour je suis Mig, auteur de bandes-dessinées et de manga, dessinateur aussi. Je suis dans la profession depuis un moment, j’ai commencé en 1995, d’abord sur des produits dérivés : Astérix était mon premier boulot avant de faire mes premières bandes-dessinées, d’abord en fanzine puis en franco-belge et ensuite en manga.

Vous travaillez avec Ankama depuis longtemps ?

J’ai d’abord travaillé sur Astérix, avec Disney aussi, pour l’édition. J’ai travaillé ensuite pour Ankama : je suis entré chez eux en 2008. Avant ça ils étaient encore en ruche d’entreprises à Tourcoing. J’avais rencontré le patron Tot. Je passais régulièrement pour le voir et parler de projets BD, qui n’ont jamais vraiment abouti parce qu’ils étaient au tout début de l’édition. Ça s’est vraiment concrétisé pour l’anime Wakfu parce qu’ils avaient besoin d’une équipe pour travailler sur le dessin-animé. J’ai donc intégré Ankama par le biais de l’animation.

En tant qu’auteur et dessinateur, préférez-vous travailler sur les BD ou plutôt sur les dessins-animés ?

J’aime bien les deux parce que les BD ou manga me permettent d’être seul ou en équipe très réduite. On est beaucoup plus nombreux pour l’animation mais il y a quelque chose de « reposant » même si cela demande tout autant de travail. C’est reposant dans le sens où on est une équipe. J’aime bien alterner entre projet perso et revenir dans une équipe. Lorsqu’on finit une BD ou un livre, on est un peu vidé, donc on n’a pas trop d’idée. On s’est tellement investi, le fait de venir sur un projet d’animation, de devoir faire des décors avec des choses déjà existantes, on bosse, on redessine mais on a déjà de la matière.

Pour arriver dans ce milieu-là, y a-t-il eu une influence de la pop culture à un moment de votre vie ?

Quand je disais que j’avais commencé par dessiner pour Astérix. J’avais déjà lu un ou deux albums. Quand j’ai commencé, je dessinais Ken le Survivant ou des choses comme ça. Quand Astérix se battait dans mon premier travail, ce n’était pas la même chose que Ken. Mais j’ai toujours aimé les comics, les mangas, les franco-belges ; j’ai toujours été là-dedans. Pareil pour le cinéma d’horreur.

Est-ce qu’une œuvre en particulier vous a marqué ? Vous avez mentionné Ken le Survivant.

Je pense que ce qu’il m’a le plus marqué c’était Akira. J’ai découvert en magasin de presse avec les fascicules. Je suis tombé là-dessus, avec le volume 5, il n’y avait pas grand-chose mais entre le dessin et la typologie je me suis dit ‘oh putain mais c’est quoi ça’. Je n’ai pas eu les premiers volumes mais j’ai commandé les autres jusqu’au 32 ou 33 je crois et après Glénat a arrêté pour sortir les grands volumes que j’ai boycotté car je les trouvais trop cher.

Par rapport au dessin animé de Wakfu, sur lequel vous avez travaillé, que pensez-vous de la suite prévue ?

J’ai regardé le Twitch d’hier (NDLR : Live d’Ankama le 26 novembre 2021) mais je n’ai pas vu la partie animation. J’ai arrêté le Twitch parce qu’ils n’ont pas parlé d’Ogrest, alors qu’il y avait une tête énorme en relief. Et puis j’étais concentré car quand on doit faire des planches, ce n’est pas toujours évident de faire autre chose. J’ai vu qu’ils annonçaient un épisode spécial sur Oropo. J’espère qu’ils ne le sortiront pas trop tôt pour que je puisse finir le tome 5 d’Ogrest et boucler l’histoire. Ogrest se déroule dans une ligne parallèle du temps : c’est l’univers de Dofus avant l’arrivée d’Oropo. Il est là justement parce qu’Ogrest a provoqué le Chaos et donc parce que Yugo s’empare des dofus Eliatropes pour aller le combattre avec Pinpin.

Quand ces épisodes (NDLR : ceux de la saison 3) sont apparus et que j’ai vu Oropo je me suis dit que ça changeait tous mes plans ; il fallait que j’explique ce qu’étaient les Eliatropes, les Eliotropes alors que j’avais déjà prévu 5 volumes depuis le début. Je pensais qu’il me fallait un volume complet pour expliquer tout ça. J’ai même réfléchi à des solutions comme faire quelque chose en version numérique où Oropo apparaît dans les scènes et proposer une autre lecture mais c’était beaucoup trop compliqué. Ça m’a beaucoup perturbé au final. Et après avoir perdu du temps, j’ai écrit encore et encore et finalement j’ai préféré garder ma ligne du temps : ça transformait trop ce que je voulais raconter.

C’est donc l’arrivée d’Oropo qui a tout bouleversé. J’ai quand même pu sauver Lupa qui devait apparaître mais je n’ai pas pu sauver Dathura. Mais je compte m’en servir. Ce qui est marrant aussi, c’est que ça met des embuches, mais il y a toujours moyen de rebondir. Même si sur le coup c’est embêtant. J’essaie quand même de toujours trouver une certaine logique, et si vraiment je n’en trouve pas, je n’en parle pas. Je me dis que les gens oublieront et si on m’en parle, je leur réponds que c’est de la magie (rires).

Toujours en rapport avec la série, qu’avez-vous pensé des épisodes spéciaux centré sur Ogrest avec cette grande bataille ?

J’ai bien aimé sauf quand il redevient petit à la fin. C’est quand même un petit ogre assez costaud et têtu. Il se met à pleurer pour une raison banale et je me suis demandé ce qui lui arrivait. J’ai reçu beaucoup de remarques à ce propos ; les gens voulaient savoir ce que je pensais d’Ogrest lorsqu’il redevient petit. Ogrest pleure, il n’a toujours pas retrouvé Dathura mais parce qu’Otomaï revient, il oublie tout… Cette fin permettait de boucler l’épisode. Mais Ogrest est tellement un personnage important voire décisif : c’est lui qui fait basculer l’ère des Dofus à l’ère du Wakfu, que c’est dommage. Sur le coup j’étais mitigé.

Et donc la communication n’est pas toujours évidente entre les personnes chargées de la série et vous qui vous occupez du manga ?

Avant il y avait un département « background » qui reliait tout ça et qui n’existe plus aujourd’hui. Ce n’est donc pas toujours évident de s’y retrouver. L’équipe background voulait aussi écrire des histoires, ce qui bloquait parfois ceux qui travaillaient sur l’animé. C’est pourquoi l’équipe s’est arrêtée. C’est le risque qu’on rencontre quand on traite un univers aussi vaste : plusieurs éléments au même endroit. On rencontre déjà ce genre de problèmes dans le jeu Dofus, où un des dofus est détenu par deux personnages différents. Dans un jeu vidéo, narrativement, on se pose moins de questions. Dans une narration avec une histoire comme un livre ou un film ou un dessin animé, où il doit y avoir plus de logique, on adapte pour éviter ce genre de situations.

Concernant Ogrest, on vous sent attaché au personnages, d’où vous vient tout cet attachement ?

Ogrest est sorti en 2014 mais avant même son histoire, j’avais les prémisses d’une histoire sur un personnage qui lui ressemble un peu. Ce personnage était un enfant rejeté des dragons d’Osamodas (NDLR : Dieu de la classe des osamodas dans l’univers Dofus). Il voulait être reconnu par ces dragons. Il y a donc certaines ressemblances avec Ogrest. Mais Ankama développait le dessin animé Ogrest, avec le premier épisode fait au Japon. Il devait être en 3 épisodes à la base et donc les choses étaient déjà écrites. J’ai donc cherché autre chose à écrire mais ça ne s’est pas fait, je ne sais pas trop pourquoi.

Quand le projet s’est lancé, je travaillais sur la saison 1. J’ai aussi travaillé sur d’autres projets. Cette idée traînait donc dans un coin de ma tête. Je pensais que quelqu’un s’en occuperait mais au final, il n’y a rien eu. Je me suis dit que je devrais commencer à écrire quelque chose. Tot m’avait demandé d’écrire des pitchs, de développer ça et de trouver d’autres dessinateurs pour essayer de développer le Krosmoz (NDLR : unviers relié à Wakfu et Dofus). J’ai alors écris sur Ogrest en pensant que c’était peut être trop sombre, que je mettais beaucoup de choses personnelles dedans. Et pourtant ça a matché.

Dans l’univers de Wakfu, il y a plusieurs éléments liés à la vie personnelle des scénaristes comme Tot par exemple, c’est une bonne chose vous pensez ?

Le but était d’avoir un univers et de s’accaparer des tranches de vie de personnages. Concernant Ogrest, on connaît le début avec sa naissance, que je réutilise et que je réarrange dans le manga. Dans la série, c’est Alibert qui la raconte à Yugo, c’est donc plutôt un conte. Je me permets donc une liberté de changer certains éléments, pour les rendre plus réalistes et un peu plus sombres ; tout en faisant des clins d’œil au dessin animé. Il y a également tout une période entre son enfance et le passage à l’ère du Wakfu où rien n’était défini. Une ère aussi large où rien n’est défini, c’est juste génial. Cela permet d’ajouter de nombreux éléments et laisse une certaine liberté.

La fin d’Ogrest approche, comment le ressentez-vous ?

Je suis pressé de terminer le tome 5. En ce moment, je travaille sur l’adaptation d’un roman de Bernard Minier (NDLR : « Glacé », aux éditions Pocket) que je dois finir en début d’année. J’enchaîne tout de suite avec Ogrest et après quasiment 10 ans je suis pressé de finir et boucler cette histoire. J’ai tout de même une certaine appréhension ; c’est le dernier tome, il ne faut pas que je me loupe. C’était une sacrée aventure, aux alentours des 1000 pages. Je ne sais pas si le dernier tome tiendra les 180 ou 200 pages. Ce sera surement un gros volume, pour pouvoir répondre à tous les éléments.

Et concernant la taille des volumes, recevez-vous des consignes particulières ? Ou êtes-vous le décideur à ce sujet ?

On n’a pas de consignes particulières, c’est l’avantage du noir et blanc. Après, si on dépasse, il faut négocier avec l’éditeur pour qu’il paie la différence par rapport à un volume classique. Mais quand on a une histoire en tête et qu’on veut dépasser, c’est compliqué de couper certains passages. Il y a donc un côté plus confortable avec le noir et blanc car économiquement, c’est plus souple.

Bilan de l’interview

Mig possède une certaine expérience et cela se ressent. D’un fort caractère, il dit les choses franchement. J’ai beaucoup apprécié cette interview et en ai beaucoup appris. Il semblerait également que, contrairement aux apparences, il apprécie les choses mignonnes !

Pour conclure, je dirais qu’en tant que grand fan de Wakfu et son univers, je ne peux que vous le recommander ! La série est disponible sur Netflix et vous permettra d’aborder l’histoire d’Ogrest. Si vous souhaitez en savoir plus sur les prochains événements d’Ankama, je vous conseille l’article rédigé par Kito sur la Krosmonote 2021 !

Couverture du tome 1 d’Ogrest : disponible ici

Quant au manga Ogrest, il est actuellement réalisé en quatre tomes. Un cinquième et dernier tome sera disponible en 2022 ! Sachez que le manga est disponible sur la boutique en ligne d’Ankama ! Un travail français qui fait plaisir et qui vous changera surement des histoires japonaises que vous connaissez. On remercie encore Mig de nous avoir accordé de son temps pour cette interview !