Pour ce 11ème jour du Calendrier de l’Avent, je vous propose de partir pour l’Amérique du XIXème siècle avec Green Blood !
Green Blood est un manga seinen de Masasumi Kakizaki, auteur que l’on connaît pour Rainbow, Hideout, ou encore Bestiarius et plus récemment Les Amants sacrifiés.
De la même manière que Tsutomu Takahashi, c’est un auteur que j’apprécie particulièrement. Je trouve d’ailleurs que les contenus proposés par les deux auteurs sont assez proches !
Green Blood est paru dans le Young Magazine de l’éditeur Kodansha, entre 2011 et 2013. La série compte en tout et pour tout 5 tomes, disponibles aux éditions Ki-oon !
De quoi parle Green Blood ?
À Manhattan à la fin du XIXe siècle, misère, criminalité et prostitution ravagent le quartier de Five Points, immense ghetto où échouent tous les laissés-pour-compte du rêve américain. La pègre, qui a corrompu les autorités, y fait régner sa loi. Au sein de la marée d’immigrants qui transitent par New York jour après jour, le jeune Luke Burns s’efforce de rester honnête et joue les dockers pour survivre.
Il sait, comme tout le monde, que le clan mafieux le plus dangereux de la ville, les Grave Diggers, s’appuie sur des assassins impitoyables pour asseoir son autorité. Mais ce qu’il ignore, c’est que le plus célèbre et le plus redoutable d’entre eux, le Grim Reaper, n’est autre que son frère aîné, Brad…
Pourquoi lire Green Blood ?
Pour l’ambiance : 5/5
Green Blood propose un cadre plutôt atypique pour un manga : le western ! Masasumi Kakizaki est un fan du genre, depuis sa découverte de Django (Corbucci, 1967) et nous propose ici sa vision du genre.
Après la guerre de Sécession, New York connaît une croissance fulgurante. Vue comme un eldorado, elle attire de nombreux immigrés. Bien trop nombreux pour la place offerte. De fait, les arrondissements de la ville se retrouvent submergés. Et c’est au croisement de Cross Street, Orange Street et Anthony Street que les plus démunis se retrouvent. Ce croisement, c’est le quartier de Five Points, et c’est le lieu qu’a choisi Kakizaki pour débuter son histoire.
Five Points regroupe ainsi toute la lie de l’humanité à l’époque. Des gangs qui règnent d’une main de maître sur la ville. Différents trafics qui constituent l’économie de la ville. La corruption, la prostitution, la misère sont omniprésentes. Dans ce contexte, les affrontements entre gang sont réguliers et les meurtres sont monnaie courante. De manière volontaire, l’auteur utilise les plus sombres aspects de l’Histoire afin de dresser une atmosphère oppressante et malsaine.
Pour l’histoire : 4,5/5
Cependant, même si Green Blood prend racine dans le quartier de Five Points, le récit que nous conte Kakizaki dépasse ses frontières. En effet, très vite, le titre nous emmène à la découverte de l’Ouest des Etats-Unis. Là encore, on ressent clairement la volonté de s’inscrire et de rendre hommage au western.
On suit deux frères, Brad et Luke Burns. Immigrés irlandais (d’où le titre Green Blood, sang vert en bon français), ces derniers ont fuit leur pays à la suite de la Grande Famine (1840). Ils ont pour but de rallier l’Ouest. Pas pour l’or, ni pour vivre leur rêve américain comme beaucoup d’autres à l’époque. Non. Ils partent à la conquête de l’Ouest pour assouvir leur vengeance.
Gigantesque road-trip, qui peut rappeler la Steel Ball Run de JJBA, ce voyage est ponctué de haltes. Tantôt nécessaires, pour laisser le temps à nos protagonistes de se reposer et se ravitailler. Tantôt forcées. L’Amérique de l’époque est un territoire hostile et loins des fantasmes et des ambitions de bons nombre d’immigrés de l’époque. Et c’est un contexte que Masasumi Kakizaki parvient très bien à rendre.
Pour la tension : 4,5/5
Dès les débuts de Green Blood, Masasumi Kakizaki crée une tension très importante. On sent que le quartier de Five Points pourrait exploser, au sens figuré comme propre. On perçoit la dangerosité de certains personnages, notre Grim Reaper Brad Burns en tête. Cela permet de mettre en scène des duels forts en émotions, avec ces regards revolvers qui contribue à inscrire l’oeuvre dans le genre western. La première partie de l’histoire est ainsi riche d’affrontements, dont certains sont vraiment marquants, bien que parfois un peu expéditifs.
En quittant Five Points, la tension de l’environnement s’amenuise. Mais une tension plus viscérale prend le relai : la quête de vengeance de nos deux protagonistes. Au fur et à mesure du récit, Brad et Luke poursuivent leur but, s’en rapprochent et la tension augmente jusqu’à un final impressionnant.
Pour accompagner cela, l’auteur propose des ramifications de l’intrigue autour de personnages secondaires. Il aborde ainsi les tensions résultantes de l’essor du chemin de fer, celles liées à la couleur de peau et à l’abolition de l’esclavage, ou encore celles qui découlent de l’appropriation des terres des natifs. Une belle fresque de l’Amérique de l’époque et de ses conflits.
Pour le dessin : 5/5
Mais le gros point fort de l’oeuvre, et celui qui m’a poussé à la lecture… C’est le dessin. Masasumi Kakizaki, par son trait, confère à Green Blood un cachet unique et presque magnétique.
Les designs qu’il propose sont très travaillés, avec un soin particulier lorsqu’il s’agit de dessiner des personnages repoussants. Si parfois cela semble un peu caricatural, je trouve que cela apporte une vraie plus value. Les expressions faciales, et les sentiments qu’elles représentent, n’en sont que plus crédibles.
Je suis également admiratif de la gestion des valeurs (noir et blanc) de l’auteur. Il est capable de dessiner des pages très noires, très sombres sans que l’on s’y perde. Et, même si elles représentent des choses horribles, des logements insalubres, on ne peut qu’être attirés par tant de densité.
Les décors font également l’objet d’une attention particulière, qui mène à des trésors d’ambiance. Je trouve sublime l’aspect « vieille carte postale » de certaines planches.
En résumé… Green Blood, c’est un 19/20 !
Green Blood est une oeuvre que j’adore, qui ne s’éternise pas, et qui, bien qu’assez classique dans le genre, se révèle être un excellent divertissement. L’auteur nous transmet sa passion pour le genre western, à travers sa manière de raconter, à travers ses dessins et le résultat est des plus efficaces !
On a appris récemment que les éditions Ki-oon stopperaient la commercialisation de la série à partir du 1er Janvier 2023. De fait, les tomes cesseront d’être disponibles en neuf en librairies… Alors dépêchez-vous de vous les procurer si la série vous intéresse ! C’est le moment ou jamais (et les derniers tomes sont déjà difficiles à trouver…!)