Pour ma dernière participation au Calendrier de l’Avent 2022, je vous présente une oeuvre qui me tient à coeur : Gunnm ! Fans de cyberpunk ? Cela vous plaira !
Gunnm est un manga seinen de Yukito Kishiro. La série originale paraissait dans le magazine Business Jump de l’éditeur Shūeisha entre 1990 et 1995. Elle compte 9 tomes en tout, disponibles aux éditions Glénat.
Au cœur de la décharge dans laquelle il vit, un cybernéticien retrouve les restes d’une jeune androïde. La ramener à la vie marque le début d’une saga qui va bouleverser l’ensemble du système solaire.
Petite spécificité : l’oeuvre possède deux fins ! La fin initiale ayant été modifiée par l’auteur afin d’amorcer une suite de l’oeuvre.
Gunnm Last Order sortira entre 2000 et 2014. D’abord dans le magazine Ultra Jump de Shūeisha, puis dans le magazine Evening de l’éditeur Kōdansha à partir de 2010. Un changement qui trouve sa cause dans des désaccords entre l’auteur et la maison d’édition. En tout, ce sont 19 tomes qui seront publiés.
Et depuis 2014, une troisième partie à vu le jour: Gunnm Mars Chronicle. Elle est d’ailleurs toujours en cours dans le magazine Evening. Elle compte 9 tomes à ce jour. Last Order et Mars Chronicles sont disponibles aux éditions Glénat.
L’oeuvre a été adaptée en OAV, de manière trop lacunaire cependant. Mais vous connaissez plus probablement le film live-action Alita Battle Angel (titre anglais de Gunnm). C’est une copie aseptisée du manga, mais elle peut faire une bonne porte d’entrée pour découvrir l’oeuvre de Yukito Kishiro. Peut-être que la suite de Alita Battle Angel saura assombrir le propos, ou pas.
Pourquoi lire Gunnm ?
Gunnm est une oeuvre que j’ai lu étant plus jeune et qui m’a laissé un souvenir très fort. Il y a de ça un an, j’ai acheté le coffret proposé par les éditions Glénat, dans l’optique d’une relecture avec un regard plus mature. J’ai laissé traîner jusqu’à cette semaine, où je me suis enfin décidé à relire l’oeuvre, avec pour but de vous la présenter pour ce Calendrier de l’Avent 2022. Et je dois dire que c’est une des meilleures décisions que j’ai pu prendre.
Pour Gally.
S’il y une raison, une seule, de lire Gunnm… C’est bien son personnage principal. Gally est un personnage féminin d’exception, et pour moi l’un des plus marquants de l’univers manga (voire des fictions). Jeune femme amnésique, elle n’a que le Panzerkunst – un art martial martien – pour se raccrocher à son passé. C’est d’ailleurs un des premiers points d’accroche avec le personnage. Comme elle, on souhaite en savoir plus sur ces techniques de combat !
Androïde, Gally se révèlera pourtant très humaine au cours de cette histoire. Tantôt en voulant suivre ses propres convictions, tantôt en étant manipulée par d’autres. Elle savourera ses victoires, mais goûtera surtout aux échecs desquels résulteront une douleur plus grande encore.
Gally devrait être un exemple de construction et de développement pour tous les auteurs. Elle dépasse tout stéréotype possible, et son évolution au travers du combat est tout simplement excellente. Un personnage féminin badass comme on en voit très peu !
Pour le reste des personnages !
Les autres personnages de Gunnm ne sont pas en reste. Ido a, indéniablement, l’un des rôles les plus importants. D’abord médecin de Gally, il prendra un rôle de père pour cette dernière. Et inversement pour lui, qui la considère comme sa fille. J’ai été touché par son dévouement pour elle, par sa jalousie et son instinct protecteur aussi.
Yugo et Fogia Four feront connaître l’amour à notre cyborg, ses bons et ses mauvais côtés. Ils insuffleront en elle cette étincelle de liberté, cette volonté d’émancipation.
Du côté des antagonistes, Makaku, Zapan, Jasugun, Den mais aussi le mystérieux Desty Nova (quel personnage exceptionnel!!) ramèneront notre héroïne à la réalité, forgeront son caractère, faisant d’elle une combattante aguerrie.
Parmi cette galerie de personnage, aucun n’est réellement bon, aucun n’est foncièrement mauvais mais tous ont des motivations que l’on peut comprendre. Tous contribueront à faire rayonner Gally, alimenteront sa force, sa détermination, sa rage parfois. Tant et si bien qu’elle crève vraiment l’écran, ou devrais-je dire les pages.
Pour son univers !
Gunnm se déroule dans un univers post-apocalyptique, où les robots et les améliorations physiques sont devenus monnaie courante. Yukito Kishiro polarise son monde dès les premières pages. Kuzutetsu, ou la décharge, est le lieu où se déroule notre histoire. Cette « ville » regroupe les gens du bas peuple, elle n’est que misère, crasse et désolation. Tel un objectif hors de portée, Zalem flotte au dessus de la décharge. La cité idéale ? En envoyant ses déchets pour qu’ils soient traités par les habitants de la Décharge et renvoyés ensuite, on peut déjà se poser la question… La frontière entre rêve et cauchemar est fine.
La rudesse de cet univers n’a d’égal que sa cohérence. À la fois vaste et très restreint, l’auteur arrive à lui donner une consistance en dévoilant son fonctionnement de manière très précise tout en étant mesuré. Tout a été pensé, et tout semble complémentaire. C’est stupéfiant.
L’auteur s’appuie sur nombreux concepts scientifiques, parfois très pointus (cela reste le propre de la science-fiction après tout). Pourtant, ils sont distillés de tel façon qu’ils n’alourdissent jamais l’oeuvre et sa compréhension.
Je soulignerai également quelques concepts provenant tout droit de l’esprit et des inspirations de l’auteur qui sont vraiment géniales ! Le motorball, quelle inspiration exceptionnelle !
Pour ses dessins !
Avec Gunnm, Yukito Kishiro nous propose une oeuvre riche de contrastes. La finesse des traits de Gally, son visage de poupon, s’opposent à la dureté et la froideur métallique des adversaires cybernétiques qu’elle affronte.
Les décors font l’objet d’une attention toute particulière, foisonnant de détails sans pour autant attenter à notre compréhension. Des rues et des paysages de la Décharge se dégage une ambiance sale, froide, profondément noire. Yukito Kishiro y confrontera l’aseptisée et blanche Zalem. L’esthétique de l’oeuvre s’inscrit pleinement dans le cyberpunk.
Les confrontations seront nombreuses, et, améliorations physiques obligent, particulièrement rudes pour les personnages. Les combats sont d’un dynamisme impressionnant, on ressent la vitesse et la puissance des coups.
La violence est particulièrement de mise, les chairs se déchirent, les cervelles éclatent, elles se mangent aussi, les corps sont souillés. Certaines planches relevant parfois du body horror. Mais cette ultra-violence trouve aussi son pendant inverse, dans des moments poétiques, des passages hors du temps ou même des visuels humoristiques. Visuellement, c’est une des oeuvres les plus abouties et qualitatives qu’il m’ait été donné de lire.
Pour ses thématiques !
Avec ses personnages, son intrigue et ses dessins, Gunnm aborde un nombre assez impressionnant de thématique.
Tout au long du tome, Gally recherche ses souvenirs, et plus largement qui elle est. L’oeuvre, dans son entièreté, s’organise comme une quête d’identité prenant parfois une teinte philosophique, en abordant la notion du soi. Attenants à cela, les concepts de liberté, de libre arbitre sont traités. On peut alors voir dans la quête de qualité, une réflexion de l’auteur sur ce qui fait notre humanité, sur ce qui nous différencie de la machine.
L’omniprésence des modifications cybernétiques (thématique qu’on retrouve dans Cyberpunk Edgerunners), l’eugénisme zalémien permettent de donner encore un peu plus de corps à cette réflexion. Ce faisant, c’est aussi le rapport humain/machine qui est questionné.
L’opposition entre Kuzutetsu et Zalem est sans équivoque, l’auteur formule une critique de la société. Une minorité oppressante, les inégalités sociales, les vols, la drogue, tout s’enchaîne et mène à une violence décomplexée avec pour seul objectif de survivre.
Bien évidemment, d’autres thèmes seront abordés, mais je vous laisse le plaisir de les découvrir…!
Gunnm, en résumé !
Gunnm est une oeuvre qui m’a profondément marqué, et que j’ai pris beaucoup de plaisir à relire. Malgré un certain âge, je trouve que le manga vieillit vraiment très bien.
- L’univers, si dense et cohérent de Yukito Kishiro, ne perd pas de son charme pour peu que vous ne soyez pas horrifiés par les cervelles.
- Les thématiques abordées n’ont jamais été aussi actuelles, à l’heure où les inégalités sont grandissantes et où l’intelligence artificielle fait débat.
- Le dessin foisonnant est toujours un plaisir à contempler.
- Et bien évidemment, il est difficile de ne pas s’attacher au personnage de Gally. La jeune femme saura vous toucher, et ce de bien des manières. Par son charisme et sa détermination, évidemment; mais aussi par son histoire et ses idéaux.
Gunnm est pour moi un chef d’oeuvre, une pépite intemporelle, un récit d’exception qu’il faut avoir lu au moins une fois dans sa vie (d’autant plus si l’on est fan de manga).
Si, comme moi, vous aimez les seinen comme Berserk ou Vinland Saga mais que vous ne connaissez pas Gunnm… Ce doit être votre prochain achat. (Même conseil si vous avez apprécié Cyberpunk Edgerunners, évidemment)
Vous pouvez lire le premier chapitre du tome 1 juste ici :