Après Le Molosse et Celui qui hantait les ténèbres, voici mon avis sur Le cauchemar d’Innsmouth, nouvelle adaptation de Lovecraft par Tanabe!
Le cauchemar d’Innsmouth, une intégrale en deux tomes !
On est habitué à ces couvertures effet cuir désormais, mais c’est toujours un plaisir de découvrir ces ouvrages. Ces deux nouveaux volumes restent sur les hauts standards de la collection Les Chefs d’Oeuvre de Lovecraft : de jolies pages couleurs en introduction, un papier épais et bien blanc ensuite.
À eux deux, ces volumes totalisent 438 pages (204+234). J’aurais préféré un tome unique, mais je me contenterait de cette version en deux tomes.
En 1927, le jeune Robert Olmstead débarque à Newburyport. En quête de ses origines, il n’a d’autre option, pour atteindre sa destination, que de prendre un bus qui passe par Innsmouth, ville voisine sur laquelle courent d’effroyables rumeurs : pacte avec les démons, habitants difformes, culte ésotérique d’un étrange dieu marin… La peur qu’elle inspire est telle que personne n’ose s’y rendre, et nul ne sait ce qui se cache derrière les façades de ses maisons délabrées…
Pourtant, les mises en garde des résidents de Newburyport, loin de décourager Robert, le poussent au contraire à s’intéresser à ce lieu pestiféré : il décide d’explorer les méandres de la cité maudite ! C’est le début d’une descente aux enfers qui le mènera aux portes de la folie…
Un des piliers du « mythe de Cthulhu » !
Le cauchemar d’Innsmouth débute à Newburyport, dans le Massachusetts. Robert Olmstead s’est offert un voyage en solitaire à travers le pays pour célébrer sa majorité. Afin de rejoindre sa prochaine destination, Arkham, il est contraint de passer par Innsmouth.
En se renseignant, Robert apprend que la ville serait maudite, et que le peu d’habitants qui y vivent encore seraient difformes et malades… Certains parlent d’un Masque d’Innsmouth. Il n’en faut pas plus pour attirer la curiosité du jeune homme, qui décide alors d’y séjourner. On a là un postulat assez simple, et finalement typique des histoires d’H.P. Lovecraft.
Par la suite, le mystère s’épaissira et la tension dramatique s’accentuera. Grâce à de providentiels témoins, notre protagoniste aura l’occasion de faire la lumière sur cette affaire… Mais ce qu’il découvrira dépassera son entendement ! De quoi rendre le récit palpitant pour nous lecteurs !
Malheureusement, le plus gros défaut de la nouvelle originale est toujours présent… De longs monologues descriptifs jalonnent et alourdissent la lecture. On est face à une adaptation extrêmement fidèle ici, trop à mon goût. Pourtant, Gou Tanabe ne s’est pas privé de prendre des libertés et de gommer les réflexions racistes de Lovecraft…!
Scénario : 3,5/5
De la même manière que dans les précédents titres de la collection Les Chefs d’Oeuvre de Lovecraft, Gou Tanabe propose des visuels en totale adéquation avec l’oeuvre du maître de l’horreur cosmique. Mais ce qui m’a frappé avec Le cauchemar d’Innsmouth, c’est le travail colossal sur les détails.
Des bâtiments délabrés, aux fenêtres barricadées et aux toitures éventrées, l’aspect vermoulu de tout ce bois… L’architecture de la ville d’Innsmouth, ou plutôt ce qu’il en reste, est très réaliste. Et grâce aux point de vue à la première personne, on a nous même l’impression de déambuler dans ces ruelles à l’aura malsaine. L’immersion dans cette horrible ville est totale.
On retrouve cette finesse dans les étranges bijoux d’Innsmouth. À la fois familiers, et inconnus, leur contemplation génère une sensation de malaise… C’est finalement tellement précis qu’on a l’impression de regarder des tableaux peints.
Le contrecoup est que l’ensemble manque de vie, de dynamisme. Un des exemples, ce sont les expressions faciales des personnages qui sont comme figées. Autre point négatif, directement en lien avec la narration cette fois, c’est le découpage. Les monologues de Robert prennent énormément de place, et surchargent les pages qui sont déjà très denses de détails et sombres de surcroît. Les reformuler pour les raccourcir eût été judicieux.
Visuels : 4/5
Le cauchemar d’Innsmouth prend racine dans une légende. Obed Marsh, un armateur, a apporté la prospérité à la ville portuaire grâce au commerce avec des indigènes. Mais cette abondance soudaine serait en fait le résultat d’un pacte passé avec de mystérieuses divinités, par delà les mers.
Dès les premières pages, l’univers se teinte d’occulte. Les bijoux d’Innsmouth font office de déclencheur, puis, on mentionne un certain Culte de Dagon qui se serait imposé dans la ville, il serait également questions de mystérieuses créatures venues de la mer, plus précisément de l’abîme du Récif du Diable…
Et il y a aussi cette mystérieuse maladie, qui serait une tare des gens d’Innsmouth et qui les forcerait à se cacher pour ne pas être stigmatisés… Bon, pour le coup, l’adaptation en manga ne rend pas justice au suspense généré dans la nouvelle. Les habitants d’Innsmouth étant représentés, on ne peut que les voir et leur visage, au départ atroce, finit par être commun et perd son aura dérangeante.
Cependant plus on avancera dans l’histoire, plus le lien avec les Grands Anciens si chers à Lovecraft se fera sentir. Au point que, tout finisse par s’imbriquer dans le panthéon cosmique de l’auteur. L’apparente banalité des débuts de l’histoire basculera très rapidement dans le fantastique, et parviendra finalement à nous plonger dans l’horreur.
Univers : 4,5/5
Finalement, ce qui caractérise Le cauchemar d’Innsmouth, c’est son ambiance générale. Au départ, l’atmosphère qui se dégage de la ville côtière est étrange. Innsmouth a quelque chose d’inquiétant, et cela est très bien appuyé par le dessin. Le fait qu’elle ne soit pas accessible par le train et que seul un bus et son odorant chauffeur puisse nous y conduire nous met la puce à l’oreille… On se dirige irrémédiablement vers un huis-clos !
Mais, à mesure que Robert découvre la ville, c’est un autre sentiment qui point en lui, et en nous. L’étau malsain qu’exercent la ville et ses habitants se ressert, l’ambiance se fait encore plus pesante, jusqu’à devenir étouffante, oppressante.
Finalement, cette tension trouve son apogée dans l’horreur. On en avait eu un avant goût avec le Masque d’Innsmouth qui caractérise les habitants de la ville, mais ce sont désormais d’innommables monstruosités, comme aime à le dire Lovecraft, qui font leur apparition.
Gou Tanabe joue la carte de l’horreur corporelle, le body horror pour nous faire frissonner. La peur de voir son corps perdre sa consistance, ses humaines proportions est une angoisse primaire de l’humain. L’auteur atteint ainsi son objectif et parvient à nous mettre mal à l’aise, à nous donner ce sentiment d’effroi à la lecture.
Ambiance : 5/5
Le cauchemar d’Innsmouth, en résumé !
Le cauchemar d’Innsmouth est probablement l’une des nouvelles les plus importantes de Lovecraft quand il s’agit du mythe de Cthulhu. Dans cette histoire, on suit Robert Olmstead. Cherchant à rejoindre Arkham, il se retrouve forcé de passer par Innsmouth, une ville dont personne ne veut entendre parler… Les habitants qui y vivent seraient victime d’une maladie étrange, le Masque d’Innsmouth, leur conférant une allure singulière et atroce. Qui plus est, les derniers visiteurs à s’être rendus dans cette ville de bord de mer n’en seraient jamais revenus… Un postulat simple, mais efficace, dans le pur style Lovecraft.
D’abord intrigué, notre protagoniste découvrira que cette ville abrite un mystère bien plus invraisemblable que prévu. Le récit se teinte alors d’occulte, avec des bijoux semblant venir d’un autre monde, un culte au nom de Dagon, et l’effroyable Récif du Diable… D’apparence détruite et quasiment abandonnée, la ville semble donc animée d’une aura malsaine, surnaturelle. Que peut-elle bien cacher ?
L’ambiance deviendra oppressante, la tension s’accentuera avec des phénomènes de plus en plus angoissants. La suite ? C’est évidemment une horreur sans nom.
Gou Tanabe offre à l’histoire les meilleurs visuels possibles. Il représente avec brio cette ville aux bâtiments délabrées, à aux ruelles sombres et crasses. Il excelle dans la mise en scène de l’horreur, jouant sur le body-horror ainsi que sur des suggestions. Visuellement, c’est un pari réussi impressionnant, et indéniablement effrayant !