Aller au contenu
Accueil » Critiques » Après Chihiro, découvrez le film La maison des égarées !

Après Chihiro, découvrez le film La maison des égarées !

  • Emma 
2022, 2023, Analyse, animation, anime, avis, Bande annonce, cinéma, critique, date de sortie, la maison des égarées, Misaki no Mayoiga, Review, Teaser, trailer, tremblement de terre, yokai

Sorti au Japon en 2021, il était temps que « Misaki no mayoiga » (La Maison des égarées) parvienne jusqu’à nous.

Présenté au Festival international du film d’animation d’Annecy en 2022 et projeté dans d’autres cinémas lors d’événements dédiés tels qu’au Forum des images à Paris en décembre de la même année, le film peinait à se dévoiler au grand jour.

Difficile de savoir quelle était la raison ou la stratégie derrière ce retard de sortie. En tout cas, La Maison des égarées est enfin là. N’attendons pas plus longtemps. C’est parti pour la critique.

Synopsis

Se retrouver et renouer le contact avec le monde et ceux qui l’habitent. Deux jeunes filles se retrouvent séparées de leur famille à la suite d’un cataclysme. Elles qui ne se connaissaient pas, se retrouvent perdues et sans toit. Elles rencontrent une vieille dame qui offre de les recueillir dans sa maison à l’écart du village. Cette opportunité de repartir à zéro est d’un grand soulagement, jusqu’au jour où d’étranges phénomènes commencent à apparaître…

La Maison des égarées place l’intrigue dans la petite ville d’Otsuchi, dans la préfecture d’Iwate. Pourquoi ce point géographique ? Tout simplement parce que la triple catastrophe qui a frappé l’archipel, le 11 mars 2011, a notamment touché la région du Tôhoku dans laquelle se situe Iwate. Le décor est planté, ici, nous parlerons de séismes, et surtout des conséquences de la catastrophe sur les survivants.

Ce film émouvant a ainsi pour thématique la difficulté de se reconstruire en tant qu’individu après une catastrophe d’une telle ampleur. Il s’inscrit en l’occurrence dans un projet de soutien aux victimes du tremblement de terre du Tôhoku de 2011 et adapte en réalité un roman.

Et il ne s’agit pas d’un simple roman! En effet, on le doit à Sachiko Kashiwaba. Ce nom ne vous dit rien ? C’est pourtant à elle que l’on doit Le mystérieux village voilé dans la brume, l’inspiration principale… Du Voyage de Chihiro ! Oui oui !

« J’ai adoré, c’était incroyable »

« J’ai adoré, c’était incroyable » s’est écriée ma voisine de siège à la fin du film. Comme quoi, même dans le cinéma, la réussite est subjective…

Contenant tous les ingrédients pour devenir un bon film touchant et percutant, La Maison des égarées peine largement à devenir un classique du genre. Problème : il sort juste après Suzume de Makoto Shinkai – sur la même thématique – et la comparaison ne lui fait pas honneur… Menant à un film à peine bon, voire très moyen.

Bienvenue dans « La Maison des égarées »

La maison qui donne son nom au film est le personnage principal de l’intrigue. Cette maison fantôme, appelée en japonais « mayoiga » (littéralement la « maison égarée ») est issue du folklore de l’archipel. A la fois somptueuse et bien entretenue, cette maison abandonnée dans des recoins reculés des montagnes ou au cœur d’une nature sauvage foisonnante, apporte richesse et bonheur à ceux qui en croisent la route.

La légende s’ancre directement dans la région du Tôhoku, cœur de la catastrophe. Il semblait donc tout naturel de lier contes folkloriques et enjeux contemporains. L’idée du scénario avait tout pour séduire. Après tout, l’existence de telles maisons ne pouvait être qu’une aubaine pour les trois protagonistes ayant perdu leur foyer le 11 mars 2011. C’est dans un hangar apprêté pour recueillir les victimes que se rencontrent Yui, Hiyori et la vieille dame. Adoptées, les deux jeunes filles accompagnent cette nouvelle figure maternelle dans leur nouveau foyer : la mayoiga.

A l’intérieur, tout est somptueux, tout est neuf, tout est beau, tout est bon. C’est le paradis, face à l’enfer. A l’extérieur, frappé et meurtri par le désastre de 2011, le monde nous laisse entrevoir l’après-catastrophe : la reconstruction du pays et surtout de soi-même.

Bienvenue dans cet « après » où plus rien n’est pareil : proches, paysages, relations…

Reconstruire la confiance, les liens, le soi

Le traitement du traumatisme propre à chaque individu est juste et sans fausse note. Malgré une « adoption » tirée par les cheveux – pour les besoins du scénario –, on veut bien se laisser convaincre par ce petit trio de femmes que tout sépare.

Hiyori, traumatisée par la mort de ses parents et la perte de son foyer, se terre dans un mutisme déchirant tandis que l’aînée, Yui, tente d’échapper aux démons du passé en rejetant sa colère sur autrui.

Face à elles, une vieille dame arbore un altruisme à toute épreuve. Elle est touchante et énigmatique, à tel point que l’on ne connaîtra jamais réellement ses motivations premières. Le développement du personnage reste en surface. Et c’est bien dommage car on aurait aimé en savoir plus sur les événements qui l’ont amenée à devenir ce qu’elle est aujourd’hui.

Pourtant, la première moitié du film prend son temps et aurait pu dépeindre dans le détail ces portraits de femmes..! Toutefois, les différentes thématiques autour de la catastrophe telles que la reconstruction physique et psychologique parviennent à nous convaincre et à nous émouvoir.

Chaque personnage tente d’avancer, à son rythme et à sa manière, vers une reconstruction progressive. Celle-ci est personnelle mais surtout collective car nationale – tant l’ensemble de la population touchée sombre lentement dans un trop plein d’émotions négatives et d’images traumatiques déchirantes.

Finalement, ne s’agit-il pas d’un film de lutte ? La lutte de chacun pour retrouver une place et un sens à sa vie ? Il s’agit de faire face à des émotions négatives, lourdes et des pertes déchirantes, parfois inconsolables. Après avoir perdu leur famille, leur foyer, leur identité, la maison des égarées devient, un temps, un endroit pour survivre, voire même revivre.

Le personnage de la maison laisse respirer le spectateur et lui offre des fragments de vie attendrissants et agréables. Un environnement sain et sûr qui tranche avec l’asphyxie lente du monde extérieur.

Un monstre nourri de chagrin

Bien que le film traîne en longueur dans la première partie – ce qui n’est pas désagréable en soi – le réalisateur fait le choix d’accélérer la cadence dans la seconde moitié. Une erreur fatale selon moi car il en vient à essayer de fermer toutes les portes, en un claquement, qui laisse souvent un goût très amer. L’ensemble retombe comme un soufflé raté qui convainc difficilement, et reste sur l’estomac.

Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’un réalisateur s’attaque à la personnification de la catastrophe. Le séisme, le traumatisme, la douleur ne sont pas immatériels et prennent forme à travers un monstre bien physique

Sans spoiler, ce monstre qui grossit – symbole et métaphore de l’accident nucléaire – est une belle idée scénaristique. Il puise sa force dans les peurs et la négativité et vient donner une certaine profondeur au récit et un message d’espoir – d’autant plus qu’il faut rappeler qu’il s’agit d’un film de soutien aux victimes. Cependant, le dénouement est bien trop prévisible, bien trop rapide, finalement, bien trop précipité. Le tout se transforme en une espèce de film d’héroïque-fantasy bas de gamme qui ne convainc pas. Peut-être un manque d’audace, ou trop d’audace, en somme.

Si la morale globale du film se résume au leitmotiv « faire de son mieux », on comprend aisément que l’enjeu est de transmettre un message d’espoir et de bienveillance. Dommage car la tournure que prend le récit ne séduira peut-être que le jeune public – même si c’est une bonne chose que le film lui soit accessible.

Une 2D décevante et une 3D ratée ?

Visuellement, le film est plutôt plaisant. L’animation est agréable, le design des personnages fonctionne bien et le film nous offre globalement de jolis plans. Une chose est certaine : le studio montre une nouvelle fois que l’animation 3D n’est pas encore totalement maîtrisée. Chaque modélisation 3D se détache très distinctivement de l’ensemble, parfois même à la limite de l’acceptable. Le début du film nous montre probablement l’une des plus mauvaises scènes en termes d’animation 3D de 2021. Une chose pareille n’a pas sa place sur un écran de cinéma en 2023.

D’un autre côté, le style des yokai est bien maîtrisé et on apprécie de découvrir ces différentes créatures issues du folklore japonais. Comme si on ouvrait le Dictionnaire des yokai de Shigeru Mizuki, on découvre les komainu, les kappa, et même les statues jizo. Toutefois, leur apparition est en réalité plus qu’anecdotique. On regrette vraiment que cette farandole de yokai ne soit pas exploitée. Après tout, pourquoi s’embêter à imaginer autant de styles si différents et intéressants pour ne pas les exploiter pleinement ? Dommage

Note finale : 11/20

En bref, un film plutôt joli, au début agréable mais avec une fin chaotique et décevante qui manque de fil conducteur, d’axe, de but, d’ambition. Un résultat bien en-dessous du potentiel du projet qui laisse un sentiment d’inachevé, pour un film rapidement oublié.

A retrouver en salles le 28 juin 2023.

Sources : Les Films du préau ; Allo Ciné