Lone Wolf & Cub fait partie des manga les plus influents au monde. Grâce à Panini, je vous donne mon avis sur le tome 1 de la réédition !
Une édition exceptionnelle pour un manga exceptionnelle
Déjà édité dans les années 2000, Lone Wolf & Cub est revenu dans nos librairies grâce aux éditions Panini. Et pour l’occasion, l’éditeur a vu les choses en grand, en prestigieux même.
Cette édition Prestige donc, compte 12 tomes, contre 28 pour l’édition originale. De fait, le contenu du tome 1 correspond à 3 tomes de l’édition originale. C’est un beau bébé de 700 pages en très grand format, 18cm x 25,2cm! Et avec une couverture cartonnée, et un marquage à chaud pour le titre s’il vous plait.
De plus la traduction a été revue, et les onomatopées originales ont été conservées (et sont traduites hors cases). Bonus également: un dossier écrit par des spécialistes de l’histoire du Japon, qui s’accompagne d’illustrations originales.
Alors certes, le prix de 32€ par tome peut faire peur. Mais pour le contenu, et la finition du produit… Pour moi, ça les vaut clairement ! C’est un véritable objet de collection !
Jadis, Ittō Ogami était le kogi kaishakunin, le bourreau officiel du shogun. Cette charge faisait de lui l’un des hommes les plus importants du pays. Mais suite à un funeste complot, il est tombé en disgrâce et a perdu le pouvoir et le prestige dont il jouissait. En quête d’une vengeance impossible, il a décidé de devenir mercenaire. Il sillonne dès lors le Japon médiéval en compagnie de son jeune fils. Tous deux sont bientôt surnommés ‘Lone Wolf & Cub’, le loup solitaire et son petit.
Lone Wolf & Cub – Le loup solitaire et son fils.
Lone Wolf & Cub, c’est l’histoire de Ittō Ogami et de son fils Daigoro. Déchu de sa place de bourreau officiel du shogun suite à un complot, notre protagoniste erre de villes en villages, espérant qu’un jour il puisse retrouver ce qui lui est dû. Ainsi, ce qui nous engage à suivre Ittō Ogami, c’est avant tout sa quête de justice.
Néanmoins, l’histoire que nous offrent Kazuo Koike et Gōseki Kojima ne relève pas de cette simple idée de vengeance. D’ailleurs, je dirais même qu’on en vient à oublier ce postulat de départ. En effet, le récit prend la forme d’une succession d’histoires courtes correspondant à des contrats acceptés par notre désormais mercenaire. Chacune d’entre elle trouve sa conclusion en quelques pages, l’équivalent d’un chapitre. Si bien qu’on a l’impression de suivre une sorte de feuilleton, de ce qu’on appellerait de nos jours un tueur à gages. Mais l’honneur et la justice passent toujours avant l’argent, faisant de notre ancien bourreau une sorte de super-justicier médieval..!
Ce schéma « mission » est répétitif, et de fait, le récit ne plaira pas à tout le monde. Néanmoins, j’ai trouvé que la diversité des situations présentées permettait d’éviter la redondance. Les intrigues n’impliquent jamais les mêmes acteurs, les enjeux sont toujours différents et ainsi, cela contraint notre rōnin à être toujours plus inventif pour parvenir à ses fins. Pour ma part, j’ai trouvé que malgré la répétition, l’histoire parvenait assez bien à se renouveler.
Le fait que l’on suive parfois Daigoro plus que son père est également très intéressant. À chaque fois, cela apportait une bouffée d’air frais dans un récit étouffant d’injustices et de violences. Et à titre personnel, j’adore le personnage. La synergie entre son père et lui est parfaite, et contribue à rendre l’histoire prenante.
Scénario : 4/5
L’univers mis en place par Kazuo Koike et Gōseki Kojima dans Lone Wolf & Cub est violent, dur, mais finalement très réaliste. Il dépeint avec justesse le quotidien et les problématiques des japonais à cette époque. C’est une description quasiment photographique de la vie au Japon au XVIIème siècle.
Chaque contrat, chaque mission nous apporte des informations sur les spécificités de l’époque, sur le fonctionnement de la société. Lire ce manga (plutôt ce gekiga), c’est comme lire un livre d’Histoire finalement. On retrouve ainsi des grands noms de la politique de l’époque, les Tokugawa par exemple, mais aussi tout le vocabulaire en vigueur à ce moment là. De l’administratif avec les han au culturel avec les différentes écoles et techniques.
Évidemment, la question de l’accessibilité de l’oeuvre se pose. Cela va sans dire, c’est un titre qui s’adresse à un public averti. Mais qui ne s’adresse pas forcément à un public de connaisseur, et Panini s’est assuré que ce soit le cas en proposant un glossaire en fin de volume.
Se pose aussi la question du « sérieux ». Tout le monde ne prend pas plaisir à lire un livre d’Histoire! Mais les auteurs ont pensé à tout… Cette leçon d’Histoire n’a rien de rébarbatif grâce à la présence de Daigoro. L’enfant apporte ce qu’il faut de légèreté, et parfois de comique, pour désamorcer l’aspect « cours d’Histoire ».L’oeuvre s’organise ainsi comme une fresque du Japon féodal dans toute sa dure réalité, adoucie par les frasques d’un jeune enfant.
Univers : 4/5
Mais une chose est sûre… Lone Wolf & Cub est plein d’enseignement. C’est une oeuvre qui cherche à transmettre. Et personnellement, les oeuvres qui savent nous divertir ET nous enrichir sont celles que je préfère.
À plusieurs reprises, Ittō Ogami utilise des stratégies millénaires pour mener à bien ses missions. Les férus d’Histoire militaire auront déjà compris l’allusion: il est question de l’Art de la guerre de Sun Tzu. J’ai beaucoup aimé la façon dont s’est fait; on nous le décrit, on nous le montre. Si bien qu’on comprend assez facilement les principes utilisés, sans avoir besoin d’explications longues et pas toujours compréhensibles.
On retrouve également le bushido, le code des principes moraux des guerriers japonais. Il est d’ailleurs à l’origine de plusieurs problématiques du personnage d’Ittō Ogami et au centre de plusieurs histoires. Et là aussi, il est question d’une transmission. Daigoro est amené à vivre comme un samouraï lui aussi !
Mais Lone Wolf & Cub, comme son nom l’indique, c’est avant tout le récit d’une relation père-fils… Et quelle magnifique relation ! Bien qu’étant un rōnin impitoyable et inflexible, Ittō Ogami est bien conscient du rôle qu’il doit avoir pour son fils. Étant la seule famille de Daigoro, il est son modèle, son exemple et aussi son protecteur. De son côté, Daigoro est conscient qu’il ne doit pas être un fardeau pour son père. On est parfois surpris par l’intelligence et les ressources que peut déployer l’enfant de 3 ans ! Il se dégage une confiance impressionnante entre les deux personnages.
Il est également question de spiritualité, de bien et de mal dans certaines histoires. Mais je dois avouer que c’était parfois un peu capillotracté. À travers à des pages aux dialogues prépondérants, on saisit la portée philosophique, presque métaphysique de certaines situations; mais je trouve que cela a tendance à nous perdre.
Enseignements : 4/5
Là où j’ai pris ma plus grosse claque, c’est dans les visuels. Lone Wolf & Cub, c’est tout simplement une oeuvre d’art ! Gōseki Kojima sait adapter son trait, proposant à la fois des illustrations très détaillées, et des cases bien plus épurées. J’ai été conquis par sa gestion des contrastes, sa manière de faire les ombrages. (En 1970, on n’utilisait pas encore de trames, tous les niveaux de gris étaient faits à la main, à l’aide de petits traits).
Si le scénario est pleinement ancré dans l’Histoire, le dessin est quant à lui ancré dans le réalisme. J’ai été frappé par la justesse technique du trait de Kojima. La gestion des volumes, celle de l’anatomie, des proportions, de la perspective… Tout est magnifiquement réalisé. Ainsi, même si le dessin à plus de 50 ans maintenant, il ne vieillit que très peu.
En ce qui concernent les designs, c’est évidemment fidèle à la « mode » de l’époque. Les vêtements, mais aussi les coupes de cheveux, les bijoux. Rien n’est laissé au hasard, on sent une forme de perfectionnisme.
Mais le talent de Gōseki Kojima ne s’arrête pas au simple dessin. Sa maîtrise du découpage est également impressionnante. Les mises en scènes qu’ils nous proposent apportent un rendu cinématographique à l’oeuvre. Alternant entre des passages contemplatifs et d’autres qui montrent une débauche de coups, de lames et des gerbes d’hémoglobine.
Dessin : 5/5
Lone Wolf & Cub, en résumé:
Lone Wolf & Cub est un titre dont j’ai beaucoup entendu parler. Par ses bonnes adaptations live-action, mais surtout par son influence internationale. C’est donc avec grand plaisir que j’ai débuté ma lecture !
Le récit s’organise comme une succession d’histoires courtes. Chacune correspondant à un contrat signé par Ittō Ogami. Le schéma est répétitif mais la diversité des situations casse la redondance. Et par la même, cela nous offre une vision très complète du Japon au XVIIème siècle.
Plus qu’un manga (un gekiga pour être précis), Lone Wolf & Cub est une fresque historique. Le titre est plein d’enseignements. Des connaissances pures, sur la société japonaise et son fonctionnement, mais aussi des concepts moraux avec le bushido ou la relation père-fils d’Ittō Ogami et de Daigoro. On peut même y trouver une réflexion sur la spiritualité.
Une oeuvre qui nous apprend autant de choses, et aussi sérieuses, pourrait être rébarbative. Pour autant, il n’en est rien ! Et c’est là tout le génie de Kazuo Koike. Avec le personnage de Daigoro, enfant de 3 ans, il vient apporter ce qu’il faut de légèreté, et de comique, pour désamorcer tout aspect « cours d’histoire ».
Mais la qualité du titre relève également d’un autre génie… Celui de Gōseki Kojima ! Il nous livre là une oeuvre d’art. Son trait est précis, détaillé. On sent la maîtrise de l’anatomie, des proportions, des perspectives, des volumes, de la mise en scène… Tout y est. Ainsi, même si l’oeuvre a plus de 50 ans maintenant, elle a vraiment très bien vieilli.
L’œuvre mérite amplement cette édition prestige; et cette édition mérite tout autant qu’on s’y intéresse !