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L’industrie du shōjo expliquée !

Un thème, un genre, une cible éditoriale ? Qu’est-ce que le Shōjo et comment fonctionne l’industrie du shōjo : du Japon à l’occident !

J’espère que cet article vous permettra d’avoir une meilleure compréhension sur cette cible éditoriale, ses problématiques ainsi que sur la porté de ses thématiques !

qu’est-ce qu’un shōjo ?

Pour commencer, définissons donc ce terme ! Pour rappel, au Japon les magazines de prépublication manga sont classés par cibles éditoriales. Ces cibles éditoriales sont donc des catégories de lecteurs cible. Le terme Shōjo veut littéralement dire jeune fille ainsi que Shonen qui veut dire jeune garçon. Globalement : les shonen visent des jeunes garçons, les shōjos visent des jeunes filles, les seinen visent des jeunes adultes et les josei visent des jeunes femmes. Ces cibles éditoriales ne définissent en rien le genre ou les thèmes abordés dans les mangas, ce sont simplement des cibles éditoriales. Exemple de magazine de prépublication:

  • Shonen : Weekly Shonen Jump ( One piece, Mha, Ippo)
  • Seinen : Young animal ( Berserk,March Comes in like a Lion)
  • Shojo : Dessert ( À tes cotés, ton visage au clair de lune,etc…)
  • Josei : Belove ( Chiyafuru, l’amour est dans le thé)

Ces cibles éditoriales sont utilisées au Japon pour sectoriser les publications des mangas, libre aux garçons de lire des shojo et libre aux filles de lire des Shonen ! ( Car oui n’ayez pas peur si des filles peuvent apprécier des shonen l’inverse et tout a fait possible)

Ainsi, il n’existe aucune limite aux thèmes et aux genres du shōjo. Il existe des shōjo de guerre, historique, fantastique, gore, tranche de vie scolaire,etc... Bien qu’on y trouve souvent de la romance, ce n’est pas tout le temps le thème principal de cette cible éditoriale. Il y a des shōjo sans romance comme des shojos où la romance est en second plan de l’histoire principale.

l’industrie du shōjo au japon

Interview with Nakamura-san (à gauche) | Photo: © Manga Passion

Le média allemand Manga Passion, réalise fin 2023 une Interview avec une éditrice japonaise de la Kodansha ! Mayu Nakamura, nous en apprend plus sur l’industrie du Shōjo au Japon. Et par conséquent sur l’industrie du Shōjo mondial.

Mayu Nakamura, est une éditrice japonaise spécialisée dans les shōjo. Cela fait 10 ans qu’elle travaille pour les éditions Kodansha ! De 2013 à 2018, elle travaillait dans le domaine Marketing du Nakoyoshi Magazine. Et depuis maintenant 5 ans, en tant qu’éditrice pour le Bessatsu Friends Magazine. Tout au long de sa carrière, elle a édité des oeuvres tel que Abe-kun’s Got Me Now! , A Girl & Her Guard Dog et Kiss Me at The Stroke of Midnight qui va avoir une réédition cette année chez Pika !

Pour elle, ce qui différencie les shōjo des autres cibles éditoriales, c’est l’impact que le mangaka a sur la représentations des émotions ! La manière par laquelle ils dépeignent avec finesse et sensibilité le « moi intérieur » des personnages.

Kentaro Miura (Berserk) qui s’exprime sur les sentiments dans les shōjos

-Oh, donc vous essayez de donner une certaine délicatesse à votre art ainsi qu’à votre série. En fait, j’ai cette théorie que Berserk est un shōjo manga, mais je me suis dis que ça n’allait pas autant vous surprendre d’entendre ça ?

Miura : Ça a du sens pour moi. Le shōjo manga c’est surtout comment exprimer chaque puissant sentiment, et dans ce sens ce n’est pas aussi superficiel que les manga pour homme. Les manga pour homme ont tendance à être plus calculé pour mieux vendre, par ailleurs le shōjo manga est d’une manière ou d’une autre juste… plus ressemblant. Je réalise que ce n’est pas un mot très descriptif, mais bon de toute façon, ça doit être quelque chose que j’ai en commun avec les shōjo mangas.

-Vous avez la « ressemblance » en commun ?

Miura : je suppose que ce que je veux dire, c’est que pour exprimer des émotions la logique passe en second plan, cependant c’est souvent l’inverse (que l’on voit)

Interview de Kentaro Miura par Yutari Fujimoto, Septembre 2000

pourquoi y a-t-il si peu d’animé shōjo comparé au shonen ?

Si vous avez pu observer un mécontentement des fans de Shōjo lié au peu d’adaptation animée de série populaire; cela s’explique aisément ! En effet, les séries de cette cible éditoriale peinent à prendre vie sur nos écrans… Et Mayu Nakumura nous révèle lors de son interview une des raisons principales selon elle : Il y a très peu de budget pour les animés Shōjo et cela car l’industrie de média japonaise est dominée par les hommes ( producteurs, réalisateurs,etc…).

« Malheureusement, il n’y a souvent pas suffisamment de budget pour un anime, car l’industrie dans son ensemble est (encore) trop dominée par les hommes. »

Interview Manga Passion & Maya Nakumura, traduit directement de l’interview

De plus, les éditeurs n’ont aucune force de décision sur les choix des adaptations animée. En d’autres termes, le public féminin est délaissé dans ce secteur…

En revanche, les producteurs de live action en raffolent ! Pour la simple raison que les live action sur la romance vendent et sont peu coûteux à produire à l’instar des shonen. En gros : Les japonaises adorent regarder des romances en date et adorent les beaux protagonistes masculin et pour remplir ces rôles quoi de mieux que des acteurs à lancer ? Ainsi, il est très fréquent que ces rôles soient joués par des Idols ou des membres de groupe.

pourquoi beaucoup de shōjo populaires à l’étranger s’arrêtent t’il en 2 tomes ?

On apprend pendant l’interview que le destin de manga sérialisé au Japon, dépend simplement des ventes des deux premiers tomes. Autrement dit, l’unique facteur du futur d’un shōjo manga, ce sont les ventes domestiques : physiques et numériques ! Peu importe si ce dernier est populaire à l’étranger, cela n’aura pas d’impact sur la trajectoire éditoriale de la série car selon Mayu :« Ce qui ne vend pas au Japon est difficile à vendre à l’étranger. »)

« Ce qui ne vend pas au Japon est difficile à vendre à l’étranger. »

Interview Manga Passion & Maya Nakumura, traduit directement de l’interview

shōjo = romance ?

Comme je vous l’ai expliqué précédemment, la romance n’est pas indissociable des shōjo par ailleurs, elle est souvent présente dans les séries de cette cible éditoriale.

Mais selon Nakamura, depuis les séismes de 2011 de Tohoku, un réel changement dans les goûts des lecteurs-trices a pu être perçu. Ils ne veulent plus d’oeuvres dramatiques ou tragiques, mais préfèrent les oeuvres romantiques, plus légères comme les belles romances. Car selon elle, les shōjo édités actuellement ainsi que les live-action qui les adaptent ne tournent qu’autour de l’amour. Ce qu’elle trouve regrettable, car cela ne permet pas de montrer le large spectre de thématiques abordées par les shōjos.

« J’ai entendu, que depuis le désastre des tremblements de terre au Japon, les gens ne veulent plus voir des choses douloureuses et préférent lire des histoires plus douces et joyeuses pleine d’amour à la place de lutte contre un destin cruel. C’est probablement pourquoi le nombre d’histoire d’amour a progressivement augmenté »

Interview Manga Passion & Maya Nakumura, traduit directement de l’interview

en somme

En conclusion, la cible éditoriale qu’est le Shōjo ne limite en rien la portée des thématiques de ses oeuvres. Par ailleurs, ces cibles éditoriales ont des caractéristiques bien à elle comme l’ont très bien exprimer Kentaro Miura et Mayu Nakamura : la sensibilité, la profondeur, la complexité de l’écriture des sentiments des personnages sont propre au shōjo.

Comme beaucoup de secteur dans ce monde, on espère que celui de l’industrie du divertissement au Japon, subira des mutations qui permettront à plus de femmes d’impacter le choix des mangas adaptés en animé ! Et qu’ainsi, plus de budget sera mis dans l’adaptation de série shōjo en animé ! (On attend toujours la saison 2 de Yona, princesse de l’aube…)

On notera que c’est bien malheureux que le seul indicateur du destin d’un manga shōjo soit les ventes domestiques, car cela veut dire que le reste du monde doit se contenter de lire les oeuvres en fonction des tendances des lecteurs-ices japonaises.

Source : Interview Media Passion

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