Pour cette nouvelle critique manga, on parle de samourai et du Shinsen Gumi ! Voici mon avis sur le tome 1 de Mibu Gishi Den !
Mibu Gishi Den est un manga seinen de Takumi Nagayasu, un dessinateur que j’apprécie et que j’admire pour ses différents travaux (Mother Sarah notamment). Il est basé un roman de Jirō Asada, que l’on connaît pour Le Cheminot et qui supervise d’ailleurs cette adaptation.
Mibu Gishi Den, tome 1
Mibu Gishi Den est la nouvelle série de samouraï des éditions Mangetsu. Et, comme pour ses autres séries, l’éditeur la chouchoute en lui offrant une édition de qualité ! On découvre ainsi une couverture mate, sur laquelle ressort très bien le titre grâce à un embossage et un vernis à l’effet 3D.
Hanté par les combats et la mort, Kan’ichirō Yoshimura se déshonore en fuyant le champ de bataille. Avant ce tragique événement, il était connu comme l’une des plus fines lames du Shinsen Gumi. Surnommé par certains « le Démon » ou « l’Égorgeur », cet homme a enduré, pour l’amour des siens, tant les injures que la nécessité de faucher d’innombrables vies. Découvrez l’histoire d’un homme complexe, aux multiples facettes et rongé par les contradictions…
À l’intérieur, on découvre 8 pages couleurs pour débuter le volume. Le papier est épais, et l’impression est de qualité : un superbe ouvrage !
Découvrez l’histoire de Kan’ichirō Toshimura !
MIBU GISHI DEN est une histoire qui débute en 1868, au Japon et juste après la bataille de Toba-Fushimi. Kan’ichirō Toshimura, l’une des plus fines lames du Shinsen Gumi, a déserté et est contraint de se faire seppuku. Le récit débute ainsi avec les derniers instants de la vie de cet épéiste renommé. Un parti-pris osé et qui amène une structure atypique.
En effet, alors qu’on est absorbé par cette tragique histoire, celle-ci fait un bon dans le temps ! J’avoue avoir trouvé cela surprenant. Le récit reprend alors en 1914 avec un « premier témoignage du Tenancier de Kadoya ». Ancien compagnon de Kan’ichirō Toshimura, Shōsuke Takenaka raconte alors les souvenirs qu’il a gardé de notre protagoniste. Ce premier « chapitre » (il n’y a pas de découpage en réalité, une autre originalité du titre), permet ainsi de revenir sur la vie de Kan’ichirō Toshimura, sur ses origines, son ascension. Mais ce sont surtout ses motivations qui intriguent, car elles contrastent avec ce que l’on a l’habitude de voir dans les récits de samouraï.
Je me demande si la suite continue avec ce concept, mais en tout cas, cette idée de biographie par témoignages interposés me plaît beaucoup. J’ai hâte de découvrir cette destinée bouleversante qui s’est imbriquée dans une des périodes les plus importantes de l’Histoire du Japon.
Scénario : 4/5
En tant que « biographie » de Kan’ichirō Toshimura, MIBU GISHI DEN se concentre sur ce samouraï. Le manga nous présente un personnage avec un code de l’honneur qui va à l’encontre de celui prôné par le bushido. De basse extrace, Kan’ichirō Toshimura a appris à manier le sabre comme personne et a cultivé son savoir dans le seul et unique but de subvenir aux besoins de sa femme et sa fille. Avec de telles motivations et l’évocation de ses ressentis, on ne peut que s’attacher à lui.
Le témoignage de Shōsuke Takenaka concernant Toshimura nous fait prendre conscience du regard que pouvaient porter les autres sur lui. Alors qu’il cherchait simplement à aider sa famille, il était perçu comme quelqu’un de cupide ! Ce faisant, notre attention complète est dirigée vers ce samouraï profondément humain et sincère. La structure de l’oeuvre est ainsi pleinement au service du développement du personnage, là encore, je suis curieux de découvrir la suite !
Du côté des personnages secondaires, beaucoup sont introduits. D’ailleurs, la plupart d’entre eux sont des personnages historiques, qui sont très évocateurs pour ceux qui se sont déjà intéressés à l’Histoire du Shinsen Gumi : Isami Kondō, Toshizō Hijikata, Kashitarō Itō ou encore Shinpachi Nagakura et Sōji Okita. Cependant, pour l’instant ils font simplement office de figurants.
Personnage : 4/5
Visuellement… MIBU GISHI DEN est un véritable régal. Le trait précis de Takumi Nagayasu et sa minutie dans les détails permettent un rendu réaliste. On peut également noter un énorme travail sur les tenues vestimentaires, ou encore sur les décors. La neige et le blizzard de l’hiver; mais aussi le soleil accablant de l’été, les arrières-plans permettent de créer de vraies ambiances et d’apporter une dimension contemplative à l’oeuvre. Le résultat, c’est une immersion complète dans cette histoire. C’est impressionnant !
Au delà de ça, le travail de mise en scène est très efficace et, combiné au découpage, cela permet une lecture fluide et agréable. Et ce, même si parfois, on a beaucoup d’informations sur les pages. Les scènes dynamiques sont assez peu nombreuses dans ce premier volume, mais on a tout de même droit à un combat au sabre qui laisse présager de belles choses pour la suite !
Le point qui m’a le plus marqué, c’est l’expressivité des personnages. Il y a un tel niveau de précision dans le dessin des visages des personnages que les dialogues en paraissent parfois superflus. C’est dingue de voir des dessins aussi vivants que ceux-là !
Visuels : 5/5
Mais la plus grande qualité de MIBU GISHI DEN, à mon sens, c’est sa manière de nous immerger dans ce contexte si particulier de la fin du Bakufu d’Edo. On comprend rapidement de quoi il retourne. Le Japon s’ouvre au monde, deux camps majeurs émergent : ceux qui sont fidèles à l’Empereur, et ceux qui sont fidèles au Shogun. Mais une chose est sûre : les samouraïs sont dépassés. Les classes qui, jusqu’alors, régissaient ce monde, vont être abolies. Et le code d’honneur, le bushidō, est en passe de devenir désuet.
Les seuls qui tentent encore de résister à cela sont les membres de la milice spéciale du Shogun, le célèbre Shinsen Gumi ! Cependant, ils sont déjà résolus à mourir avec honneur. À l’opposé, Kan’ichirō Toshimura n’a que faire des honneurs, et souhaite vivre. Ce faisant, il incarne cette transition vers la « modernité » (un peu à la manière de Kippōshi dans Ikusa no Kō, beaucoup plus tôt dans l’Histoire).
Néanmoins, malgré toutes ces informations « historiques », le manga garde un bon équilibre entre son scénario et son univers. On ne se perd pas dans la lecture de notes, qu’elles soient en bas de pages ou en fin de volume. Le travail d’adaptation et de traduction est excellent ! En revanche, je crains que cela soit difficile de se projeter dans cet univers pour quelqu’un qui ne maîtrise pas un minimum cette période de l’Histoire du Japon.
Contexte : 4/5
Mibu Gishi Den, en résumé :
MIBU GISHI DEN est l’une de ses oeuvres que je décide de lire pour la simple et unique raison que le dessin me plaît. Il faut dire qu’avec les illustrations de Takumi Nagayasu, l’oeuvre à de quoi satisfaire nos rétines. C’est précis, c’est détaillé, c’est immersif… Un vrai régal !
Cependant, je dois admettre que ce n’est pas la seule qualité de l’oeuvre ! Cette lecture fut une bonne surprise !
Si l’oeuvre se présente comme une biographie de Kan’ishiro Yoshimura, une des plus fines lames du Shinsen Gumi, elle n’a pourtant rien de linéaire. Bien au contraire !
Elle débute avec un parti-pris osé, les derniers instants de son protagoniste, avant de proposer un récit à la structure plutôt atypique. C’est ce qui m’a le plus surpris je pense, et je vous laisserai le découvrir !
J’ai apprécié le personnage de Kan’ishiro, dont on nous présente plusieurs facettes. Même si certaines ne sont pas reluisantes, il reste touchant et attachant dans ses motivations et ses convictions.
Au delà de ça, l’oeuvre captive grâce au soin particulier apporté à la description du contexte. Le titre fait appel à de nombreux événements et figures historiques qui raviront les amateurs de l’Histoire du Japon (en particulier le Shinsen Gumi et la fin du bakufu). Pour autant, il garde un bon équilibre entre son histoire et son univers, ce qui fait que le manga ne souffre pas de l’effet « documentaire ».
Ce tome 1 est donc, pour moi, une réussite puisqu’il m’a vraiment donné envie de lire la suite !