Vous avez aimé Death Note ? Soul Keeper de Tsutomu Takahashi pourrait vous plaire, je vous explique pourquoi en vous donnant mon avis!
Esprits protecteur, politique et psychologie !
Soul Keeper fait partie des nombreuses rééditions lancées par l’éditeur Panini suite au succès de Demon Slayer. Après Eden, Banana Fish et Sidooh, on redécouvre donc une oeuvre de Tsutomu Takahashi !
Sorti entre 2011 et 2013 dans le Young Jump de l’éditeur Shueisha, Hito Hitori Futari (titre VO) se faisait rare dans les librairies. C’est donc une excellente nouvelle que cette réédition des 8 tomes !! Parce que nous n’aurons jamais assez de Tsutomu Takahashi…!
Riyon est le fantôme d’une jeune fille indépendante et rebelle. Bien qu’elle soit censée suivre des cours pour bonifier son âme en vue de sa prochaine réincarnation, elle préfère passer ses journées à jouer à Reversi. Afin de la ramener sur le droit chemin, le précepteur en chef de l’au-delà lui ordonne de descendre sur Terre et de devenir l’esprit protecteur d’une personne de son choix. Sans le savoir, Riyon jette son dévolu sur le Premier ministre du Japon, un homme gravement malade, à qui il reste à peine plus de cinq cents jours à vivre…
En ce qui concerne cette réédition, pas de changement pour ce qui est des couvertures. J’aurais apprécié les couvertures originales qui rendent mieux l’aspect « spirituel », mais je me contenterai de ça. On retrouve cependant Riyon 92i pour le tome 1. Pas de page couleur mais globalement l’édition est de bonne qualité. On notera une révision de la traduction.
Soul Keeper: Ni Light, ni Ryuk, ni L mais quand même un peu de Death Note…!
Dans Soul Keeper, on suit Riyon, l’esprit d’une jeune femme qui attend sa réincarnation. Malheureusement pour elle, il semblerait qu’elle ne soit pas prête. En guise de dernier test, elle va être envoyée dans le monde des vivants pour devenir l’esprit protecteur d’un humain. N’ayant d’autre option que d’accepter, son choix se porte sur Soichiro Kasuga. Elle sera liée à lui jusqu’à sa mort.
Avantage pour elle, il ne reste que 518 jours à vivre à cette personne donc sa mission sera de courte durée.
Inconvénient… Cette personne est le Premier ministre du Japon.
J’ai beaucoup apprécié ma lecture des deux premiers tomes, notamment parce qu’il y avait une tension latente qui me poussait à la lecture. D’abord, il y a la tension inhérente à l’intrigue: on sait que Soichiro Kasuga va mourir. Mais on ne sait pas comment! De part sa position, on peut imaginer beaucoup de choses: un accident, un assassinat, une mort naturelle puisqu’il est malade ? Riyon a fort à faire, et doit protéger le ministre de tout un tas de danger. Mais j’avoue que dans le premier tome, cela manque un peu d’enjeu: la résolution des problèmes semble simple pour notre esprit protecteur.
Avec le deuxième tome, on découvre des antagonistes. Daiki Izumi, un jeune député; mais aussi le médium Koji Kubo. Le premier apporte une dimension réelle, concrète: c’est un prétendant au titre de Premier Ministre. Le second quant à lui amène un danger irrationnel, irréel: il est l’antithèse de Riyon.
Je dois dire que ces deux personnages ont une aura très particulière qui m’a beaucoup intrigué.
Pour cette raison, je comprends et je suis content que Panini ait sorti les deux tomes en simultané. Le premier tome manquait d’une vraie opposition. Là, l’introduction est complète et pousse à la lecture.
Intrigue: 4/5
Au delà de son intrigue prenante, Soul Keeper nous propose un univers que j’ai trouvé très intéressant. On découvre un mélange très habile de spirituel, fantastique et de politique. Le concept de l’oeuvre est similaire à celui de Death Note: un esprit accompagne un vivant et l’aide à accomplir ses desseins. À ceci près qu’en l’occurence, nous n’avons pas affaire à un shinigami, mais à un esprit protecteur. Et ce dernier n’aide pas un lycéen mais le Premier ministre du Japon en personne.
Evidemment, le rapport à la mort, le monde des esprits, l’intervention du « divin » sont d’autres points commun avec l’oeuvre de Tsugumi Oba et Takeshi Obata. On retrouve aussi l’aspect un peu horrifique, avec des scènes qui font un peu froid dans le dos de part leur mise en scène.
Cependant, la politique s’immisce bien plus dans les intrigues que dans le duel Light vs L (avec le gouvernement parallèle par exemple), et l’aspect psychologique est prépondérant. C’est probablement cela qui fait que Death Note est un shōnen, et Soul Keeper un seinen. (Si vous voulez en savoir plus sur cette catégorisation, je vous redirige vers cet article).
Visuellement, Tsutomu Takahashi parvient à donner une belle cohérence à son univers; mais j’aurais aimé en savoir plus concernant l’au delà, et surtout voir comment Riyon procède lorsqu’elle est dans l’esprit de Soichiro. À chaque fois, on voit le début de la situation et on passe ensuite directement à la fin. Il n’y a pas de détails par rapport à la façon de protéger la psyché du ministre, et à mon sens, c’est quelque chose qui manquait dans ces deux tomes d’introduction.
Et petit funfact dans cet univers… Les fans de Sidooh retrouveront un visage familier…! Je n’en dirais pas plus évidemment, je vous laisse la surprise.
Univers: 4/5
Soul Keeper nous présente une galerie de personnages captivants.
D’abord, il y a Riyon, la protagoniste principale de l’histoire. Cette dernière est une jeune femme, plus portée sur les divertissements que sur les tâches qu’on lui demande d’accomplir. Une rebelle de 18 ans en somme. Mais cela soulève une interrogation… Quelle vie a-t-elle eu avant ? Comment se fait-il qu’elle soit morte à 18 ans? Le personnage soulève des questionnements intrigants.
Ensuite, il y a Soichiro Kasuga, l’autre protagoniste de notre récit. C’est un homme normal à qui la fortune a souri en lui permettant d’accéder au poste de Premier Ministre. Mais cette fonction est synonyme de grande pression, et sujette à de nombreuses convoitises. Notre homme en sort, épuisé, déprimé et un peu désabusé. Malgré cela, il garde au fond de lui un désir profond: celui d’améliorer la situation de son pays. Et c’est cela qui le fera tenir, qui lui permettra d’avancer. C’est un personnage pour qui on se prend d’affection tant son fardeau est lourd; et que j’ai pris plaisir à suivre, pour sa résilience et sa dévotion.
Mais je dois avouer que mon personnage préféré de l’oeuvre vient de l’opposition. Pour l’instant, Daiki Izumi n’a pas montré grand chose, si ce n’est une ambition démesurée et un esprit vif et rusé. Je ne pense pas qu’il fera un antagoniste solide pour la suite de l’histoire, sauf si j’ai sous-estimé sa détermination. (Mention spéciale pour son père Jun Izumi, qui a attiré ma curiosité).
En revanche… Koji Kubo, quel personnage! Déjà, physiquement il rappelle un peu L, jusqu’à sa posture d’ailleurs. Il semble chétif mais cache un don faisant de lui un surhomme; comme notre détective finalement. Avec ses pouvoirs de médium, Koji Kubo a une aura monstrueuse; il a quelque chose de surnaturel et finit même par devenir effrayant quand il utilise son don. On sent le danger que représente le personnage pour nos deux protagonistes, et c’est pour cette raison que je l’adore.
Personnages: 4/5
Avec Soul Keeper, je trouve que Tsutomu Takahashi sort un peu de ses habitudes. Certes, il reprend des éléments qui lui sont chers: le suspens, le surnaturel, un anti-héros plus lumineux, compréhensible. Mais il apaise un peu son style noir, éminemment sombre pour proposer quelque chose de plus lumineux. À mon sens, c’est donc une oeuvre plus accessible que Sidooh ou NeuN par exemple.
Ce faisant, il nous montre tout l’étendue de sa maîtrise graphique, notamment sa gestion magistrale du noir et du blanc.
Il inclut d’ailleurs beaucoup de symbolique au noir et au blanc; et cela donne de superbes mises en scènes. J’aurais d’ailleurs aimé vous en montrer plus, tant certaines planches sont impressionnantes. Mais cela vous aurait gâché le plaisir de la lecture!
Je noterai également l’esthétique globale, qui peut, d’une case à l’autre, passer de réaliste à horrifique. Le travail sur les expressions, celles pleines de vices des politiciens véreux, comme la folie ou le mal être de certains personnages, est précis, détaillé; ce qui permet de nous immiscer pleinement dans les ressentis des personnages. Encore une fois, on constate l’étendue du talent et de la maîtrise de Tsutomu Takahashi.
Et pour terminer, je parlerai des trouvailles visuelles pour représenter l’esprit de Soichiro Kasuga; j’ai vraiment apprécié la représentation de la « boîte mentale », celles des globes noirs qui la parasitent. L’aspect poisseux, visqueux de ces atrocités est tellement bien retranscrit qu’on a une sensation de malaise immédiate; à l’instar du dessin de Gou Tanabe sur ses adaptations de Lovecraft.
Dessin: 5/5
En résumé !
Soul Keeper est une lecture que j’ai beaucoup apprécié. Elle m’a rappelé Death Note à bien des égards. D’abord, l’idée qu’un esprit et un humain soient liés. Certes on n’a pas un shinigami, mais l’idée du divin, du surnaturel est bien là. L’humain en question n’est pas un lycéen mais le premier ministre du Japon, rien que ça. Avec l’aide de Riyon, il obtient la possibilité de réaliser ses ambitions. Les enjeux sont donc radicalement différents.
Ensuite, il y a Koji Kubo, un des antagonistes. Que ce soit dans son design ou dans sa posture, il vous rappelera L. Mais son caractère est aux antipodes de celui du détective… Il est à la limite de la folie, et son don de medium en fait un personnage vraiment effrayant.
Enfin, on peut également noter l’aspect horrifique qui est présent également mais qui, pour le coup, et bien plus mis en avant. Les visuels de Soul Keeper sont sombres, parfois très noirs. L’auteur joue d’ailleurs avec cela et y oppose des lumières qui donnent un très beau contraste. Graphiquement, c’est impressionnant.
Soul Keeper reste cependant une oeuvre qui s’adresse à un public plus mûr que Death Note. Et oui, l’un est un seinen et l’autre est un shōnen. Et cela se traduit par des problématiques et des thématiques plus « adultes ». La politique tient une place prépondérante dans l’oeuvre, c’est un point clé de l’intrigue. Les questions ont davantage trait à la spiritualité, et le rapport à la mort fait l’objet d’un traitement plus approfondi.