En septembre 2021, les éditions Mangetsu publiait en France Butterfly Beast, de Yuka Nagate. Et si il aura fallu attendre plus de 10 ans pour voir ce seinen arriver chez nous, l’attente vaut assurément le coup.
Lorsque les éditions Bragelonne annonçaient il y a un peu plus d’un an le lancement d’un label manga nommé Mangetsu, on se demandait comment ce nouvel éditeur allait s’imposer dans le manga game. Et pour y parvenir, Mangetsu a notamment fait le choix de miser sur des mangas de récits historiques. Une catégorie dans laquelle se trouve Butterfly Beast.
Réalisé par Yuka Nagate, mangaka connue pour Gift +/- ou encore son travail sur la saga Hokuto no Ken avec le spin-off La Légende de Toki, Butterfly Beast prend place en pleine ère Edo, au sein d’un endroit bien connu de la culture japonaise: Yoshiwara, le quartier des plaisirs. On l’a vu récemment en anime dans Kimetsu no Yaiba ou encore dans Gintama. Un jour, il faudra que je vous parle de ce chef d’œuvre mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.
Une intrigue et un univers aussi cohérent que captivant
L’histoire, c’est le premier point fort de Butterfly Beast. En mêlant l’histoire du Japon à beaucoup d’action, Butterfly Beast aborde très intelligemment le thème des ninjas. Et à l’inverse de titres plus connus comme Naruto, le manga de Yuka Nagate traite avec beaucoup de maturité et de réalisme l’évolution de la condition des ninjas au Japon. Comment ? En s’éloignant des représentations habituelles que l’on a de ces guerriers, toujours nobles, droits et fidèles à leur supérieurs. Ici, Yuka Nagate n’hésite pas à montrer des shinobis divisés, entre ceux qui ont choisi la criminalité et ceux qui ont choisi de chasser les « réprouvés ». D’anciens frères d’armes qui s’entretuent, c’est le joyeux univers dans lequel vit Ochô. L’intrigue est assez simple en apparence, mais ça permet à l’histoire d’avancer vite, sans perdre de temps sur des futilités.
Coeur sur Ochô
Mais ça ne veut pas dire que Yuka Nagate oublie de développer ce qui est nécessaire. Le personnage d’Ochô en est le parfait exemple. Si l’intrigue fait entrer dans le vif du sujet sans perdre de temps, Ochô, celle qu’on suit tout au long de l’œuvre, voit sa personnalité être approfondie à chacune de ses rencontres. Au premier abord, on peut penser d’elle que c’est une kunoichi, une femme ninja, sans pitié envers ses adversaires, Ochô se révèle être en dilemme quasi permanent avec elle-même, tant elle regrette constamment de devoir assassiner ses anciens compagnons, voir même des personnes qui lui sont chères. Cette plongée dans le cœur d’Ochô ne fait que renforcer notre attache pour elle, tant au fond d’elle-même, elle reste une kunoichi qui regrette parfois ses actes.
Les personnages secondaires ne sont pas en reste, surtout les adversaires que rencontrent Ochô. L’une des réussite de Yuka Nagate, c’est de réussir à appliquer le traitement d’Ochô à ses adversaires. Ce que je veux dire, c’est qu’elle parvient à les faire passer pour de simples traitres, de réelles ordures tout en rappelant qu’au fond ils restent de simples humains, prêt à tout pour survivre et qui restent des victimes de leur époque, de leur expérience. Ici pas de pouvoir de l’amitié ou talk no jutsu. Ochô a des choix à faire et elle ne peut les fuir. Et si elle les regrettent, tant pis, le monde est cruel, elle a choisi son rôle dans ce monde et doit l’assumer.
Un dessin absolument somptueux
L’autre atout de Butterfly Beast, c’est son dessin. Le trait de Yuka Nagate, sans être révolutionnaire, est d’une finesse reconnaissable entre mille. Le genre de dessin qu’on tient à mettre sur un nom, tant il peut être marquant. Le dessin de Butterfly Beast est plein de finesse et de douceur. C’est presque paradoxal vu les termes abordés par l’œuvre mais le dessin est si agréable, que même dans les scènes les plus violentes, on trouve un certain esthétisme. A tel point qu’on pourrait même avoir l’impression que Yuka Nagate s’amuse à opposer le charme et l’élégance d’Ochô à la violence de son univers de shinobi, sans que l’un ne prenne le dessus sur l’autre.
Comme toujours, le style de Yuka Nagate est aussi très expressif. Cette manière de faire un dessin aussi raffiné et expressif à la fois offre un récit qui pourrait presque se lire uniquement à travers son dessin, à travers la transcription des émotions des personnages ou encore de l’environnement. Une vraie réussite graphique, qui fait de Butterfly Beast une des œuvres que j’ai le plus dévoré des yeux.
Alors verdict ?
Avec Butterfly Beast, Yuka Nagate nous offre une œuvre peaufinée de A à Z, sans réel défaut à mon sens. Le récit est rythmé, sombre et rude, et le dessin est une vraie réussite visuelle, tant il est doux et réaliste. Le seul point noir ? Seulement deux tomes, qui précèdent néanmoins une deuxième partie de l’œuvre que je cours lire de suite.