Yoooo les Gaak ! Aujourd’hui on vous fait découvrir une personnalité du milieu de l’animation japonaise ! Le frenchy Alexandre aka Sanda se livre avec nous sur son métier et sur cette profession dont on est tous curieux. Sortez vos scripts, storyboards et tablettes. Sanda pour Gaak, Action !
Salut Sanda, peux-tu te présenter en quelques lignes ?
Salut je m’appelle Alexandre, j’utilise parfois mon pseudo d’animateur : Sanda. J’ai 25 ans je vis à Tokyo et travaille dans l’animation japonaise en tant qu’animateur 2D depuis que j’ai 21 ans.
Comment as-tu découvert la japanculture ?
À 3 ans avec Dragon Ball en anime à la télé (les rediffusions du club Dorothée et les films et la série en K7). Puis après avec les manga, la musique, les séries et en se faisant des connaissances japonaises.
Le Japon est devenu ton lieu de résidence et de travail. Comment cela s’est-il préparé ?
J’ai toujours voulu aller au Japon mais je n’avais pas pensé à y travailler au départ. Je suis parti la première fois à 19 ans en vacances et à 20 ans j’avais un stage de fin d’étude (BAC +3) dans mon école d’infographie. Comme j’apprenais le japonais et le dessin en auto-didacte, j’ai décidé de tenter d’envoyer ma demande dans des studios d’animation japonais. Puis j’ai eu la chance de pouvoir faire un stage au studio OLM (Oriental Light and Magic) de 3 mois.
Suite à ça, j’ai pris un an pour me faire un portfolio en France et postuler cette fois-ci pour un job en tant qu’animateur. Puis je suis allé au Japon directement pour passer les entretiens.
As-tu suivi une formation spécifique pour rentrer dans l’animation ?
Non, j’ai fais une école d’infographie multimedia (et un peu de 3D) mais j’ai appris le dessin et le japonais en auto-didacte.
Raconte-nous Sanda, tes premiers pas dans ce secteur. Premier entretien, projet, etc…
Mon premier pas ça a été mon stage. Pour les entretiens c’était évidemment tout en japonais et il n’y a qu’un seul studio qui m’a fait passé un test d’animation après.
Il faut savoir qu’au Japon on commence en bas de l’échelle, en tant que douga-man (intervalliste). Ça permet de se former et d’apprendre sur place. Puis pour passer genga-man (animateur clé) j’ai dû passer un examen dans le studio où je suis (OLM).
Pour ce qui est de mon tout premier projet c’était en tant que douga-man sur la série Pikaia de NHK et Pokémon.
À présent, tu es pleinement dans le monde de l’animation. Peux-tu nous expliquer comment cela fonctionne ? Quelles sont les étapes à la construction d’un épisode de 25min ?
Il y a beaucoup d’étapes mais pour simplifier :
Un directeur d’épisode (enshutsu) est assigné à un épisode et va le suivre du début jusqu’à sa finalisation. Il va notamment corriger et donner des indications aux animateurs clés pour mieux correspondre à sa vision de l’épisode.
Un storyboard (e-konte) est fait (parfois par le enshutsu, parfois non) pour décider du nombre de plans qu’il y aura, de leur durée, et de leur contenu respectif (les personnages à l’écran, le plan de camera, l’action expliqué grossièrement).
Et ensuite c’est l’animateur clé (genga-man) qui va devoir animer plusieurs cuts à partir de ses storyboards, donner vie aux personnages (leur acting, leurs paroles) dans le décor en perspective, choisir le timing, et écrire la timesheet.
Les dessins de l’animateur clé sont corrigés par un directeur d’animation (sakuga kantoku).
Suite à ça l’intervalliste (douga-man) va mettre au propre les dessins clé et dessiner les intervalles entre les poses pour fluidifier un peu l’animation.
Puis vient la colorisation et la post-production.
Quels logiciels utilises-tu ?
Toon Boom et Clip Studio Paint.
À quoi ressemble la journée typique d’un animateur ? Horaire, planning, tâches de la journée.
Ça dépend des gens, du studio etc… Mais personnellement quand je travaille sur plusieurs projets en simultané il m’arrive de faire souvent du 10h-minuit week end compris. À savoir que je me consacre environ de 10h à 19h sur les projets OLM puis le reste sur les autres projets freelance. J’ai des périodes aussi plus vivables.
Comment sont gérées les deadlines ?
Ce sont les managers de projet (seisaku shinko) qui s’occupent de distribuer les plans entre les animateurs et de leur donner les deadlines. En général c’est assez court, il faut faire plusieurs plans par jour pour finir à temps. (Certain plans d’action par exemple comportent beaucoup de dessins et peuvent prendre plusieurs jours…)
Avec le Covid-19, on a vu une vague de retard dans les studios d’animation. À quel point ce virus a changé les manières de travailler ?
Les retards sont surtout dus aux doubleurs qui ne pouvaient pas exercer. Pour ce qui est des animateurs, la plupart est passée en télétravail. Concrètement ça ne change pas grand chose pour les animateurs car ceux qui travaillent sur papier (la grande majorité) ont juste à prendre le matériel requis (comme le storyboard, les model sheet des personnages) et après dessinent de chez eux.
Pour ceux en digital comme moi, on travaille sur nos PC et on envoie nos plans finis aux seisaku shinko par mail.
Concernant la rémunération dans ce milieu, on voit un peu de tout. De ce que tu connais, est-ce un milieu où on peut dignement en vivre ?
Ça dépend énormément du studio et du contrat. Certains paient au plan (pour les genga-man) ou au dessin (pour les douga-man donc animateurs débutants) et les prix sont très très bas. Il vaut mieux éviter ça car ce n’est pas vivable, surtout à Tokyo ou le coût de la vie est très cher. Il vaut mieux pencher vers un studio qui peut fournir un salaire fixe par mois.
Je ne sais pas si tu as vu, Ankama a créé une campagne participative pour la saison 4 de Wafku. Certains ont été surpris de voir que le coût total de la saison était à plus d’un million d’euros. D’après ton expérience, quel est le coût moyen d’un épisode, voir même d’une saison ?
Pour ce qui est du budget, je ne connais pas suffisamment donc je préfère ne pas m’avancer mais ce qui est sûr c’est qu’au Japon la qualité et la quantité de travail sont largement supérieures au budget alloué. D’où les heures supplémentaires pour respecter les délais.
On a pu voir que des licences changeaient de studio, comme Nanatsu no Taizai passant d’A-1 Pictures à Deen Studios ou Shingeki no Kyojin faisant 3 saisons avec WIT Studio et la prochaine avec Mappa. Selon toi, qu’est-ce qui peut expliquer cela ?
Il peut y avoir plein de raison en interne comme des questions de calendrier plein, des désaccords ou encore le fait que les studios ne peuvent pas tenir un rythme soutenu sur une même série indéfiniment et qu’ils peuvent avoir leurs limites.
Tu travailles actuellement pour le studio OLM. Il y a-t-il d’autres studios avec lesquels tu as travaillé ? Si oui, avec lequel as-tu préféré collaborer ?
J’ai travaillé sur des projets de OLM (Pokémon), Pierrot (Boruto), WIT (Shingeki no Kyojin), TMS Entertainment (Détective Conan), Science Saru (Ride your Wave), Sunrise (City Hunter), David Productions (Jojo’s) et Toei (One Piece). Je pense avoir travaillé avec la plupart des studios que j’apprécie. Pas encore toutes les séries que je vise cependant.
Mon expérience préférée a été avec la Toei Animation !
Tu as participé à l’animation de One Piece, Pokémon et bien d’autres. Sur quel projet as-tu le plus aimé participer ?
Jusqu’à maintenant je dirais One Piece et Dragon Quest : Dai no Daibouken. J’aime beaucoup les Shônen Nekketsu du Jump (surtout pour ce qui est de les dessiner). Ils ont des personnages très expressifs, on peut faire des actings intéressants, et il y pas mal de scènes d’action.
Sanda, il y a t-il un réalisateur avec lequel tu voudrais absolument travailler ?
Je dirais Tatsuya Nagamine (Dragon Ball Super Broly). Bosser sur un film avec lui, ça peut être sympa.
Actuellement, on peut voir qu’une vague d’animes de l’ancienne génération commencent à avoir des « reboots ». Comme Dai, projet sur lequel tu travailles, ou encore Shaman King qui va connaître un nouvel anime en 2021. Comment expliques-tu cette tendance ?
Je pense que les studios ont du mal à créer des nouvelles séries avec un vent frais et qui trouvent du succès. Du coup c’est plus facile de refaire les séries qui ont marché à l’époque pour les faire découvrir à la nouvelle génération et également jouer sur la fibre nostalgique. Il y aussi le fait que les enfants au Japon regardent de moins en moins d’anime.
Quels animes de l’ancienne génération aimerais-tu revoir au goût du jour ?
J’aimerai bien voir un remake de Dragon Ball (dès le début du manga), City Hunter ou Ashita no Joe par exemple.
Quel est ton manga préféré ? Anime préféré ?
Impossible d’en citer un seul mais en anime je dirais Dragon Ball et Tekkon Kinkreet (Amer Béton).
En manga : Ashita no Joe d’Ikki Kajiwara, Oyasumi Punpun d’Inio Asano, 20th Century Boys de Naoki Urasawa et Vagabond de Takehiko Inoue.
Un conseil pour un débutant qui voudrait faire comme toi ?
Apprendre le japonais ! Et avoir un niveau assez solide en dessin. Puis apprendre le style, les mimiques, le trait à la japonaise, pour montrer aux studios qu’on est opérationnel tout de suite.
Sanda, un mot pour la fin ?
Si vous êtes vraiment passionnés (par le pays autant que l’animation japonaise) et que vous êtes motivés, vous arriverez à vous faire votre place. Le Japon manque d’animateur et ils ne sont pas contre le fait d’embaucher des étrangers à condition qu’ils puissent communiquer en japonais.
On espère que vous avez apprécié cet échange avec Sanda et que vous avez appris plein de choses sur le monde de l’animation. On le remercie énormément pour avoir accepté de nous prêter de son temps ! Vous pouvez le suivre sur Twitter où il poste pas mal de ses travaux. On vous réserve encore d’autres contenus fascinant comme celui-ci, alors restez connectés les Gaak !